Intelligence artificielle, robotisation, Internet des objets… La 4e révolution industrielle est bien en marche, et avec elle, des avancées prometteuses, mais aussi des inquiétudes, dont la peur bien terre-à-terre de voir les robots prendre notre place au travail. Avons-nous raison de nous en faire?

Des prédictions alarmantes

En peu de temps, les nouvelles technologies — l’Internet en tête — ont touché presque tous les secteurs du monde du travail —, et avouons-le, souvent pour le mieux. Avec les derniers progrès de l’intelligence artificielle (IA) qui permettent notamment de créer des ordinateurs capables d’«apprendre» par eux-mêmes, les applications de cette technologie semblent désormais quasi illimitées. D’où le vertige ayant incité des chercheurs à se pencher sur leurs impacts possibles, notamment sur le monde du travail.

En 2013, une étude d’Oxford sur le sujet a fait grand bruit; après avoir analysé plus de 700 métiers, celle-ci concluait que 47 % des emplois aux États-Unis étaient à risque d’être remplacés par des robots en 10 à 20 ans.

Notons que les chercheurs à l’origine de cette étude ont conçu, en collaboration avec Deloitte, un outil permettant au grand public d’évaluer les probabilités de voir son emploi automatisé. Au Québec, un journaliste du magazine L’actualité a développé une application semblable, mais basée sur des statistiques canadiennes et québécoises.

Dans une galaxie près de chez vous

Au Canada, l’Institut Brookfield a examiné en 2016 quelque 500 emplois au pays à travers le prisme des nouvelles technologies, pour estimer que jusqu’à 40 % d’entre eux risquent de subir une forme d’automatisation dans un horizon de 10 à 20 ans.

Afin d’obtenir un portait de la situation au Québec, L’actualité a croisé ces données avec celles du recensement de 2011 et conclu que de 500 000 à 1 600 000 travailleurs de la province sont susceptibles d’être touchés. Selon cette analyse, parmi les plus vulnérables se trouvent : les hommes, les travailleurs âgés de 15 à 24 ans, la population active sans diplôme universitaire et celle dont le salaire annuel est inférieur à 30 000 dollars.

Néanmoins, il semble y avoir consensus dans le monde industrialisé pour reconnaître que les travailleurs de la classe moyenne ne seront pas épargnés par cette « révolution ». C’est dans ce sens que va le rapport du McKinsey Global Institute sur l’avenir du travail paru à la fin de 2017, qui soutient que dans les économies avancées ce sont les occupations à revenus moyens qui seront le plus touchées par le déclin des emplois. Le rapport avance aussi que l’IA risque de pousser le tiers des Américains à réorienter leur carrière au cours des 12 prochaines années.

Chômage technologique : un mythe?

Des voix s’opposent à ces prédictions chiffrées inquiétantes. Parmi eux, le sociologue français Jean-François Dortier soutient qu’elles ne s’appuient sur rien de tangible puisqu’on ignore quelles seront les avancées technologiques à moyen ou même à court terme, et qu’on est encore moins capable de mesurer leurs possibles répercussions sur le marché du travail. Rappelant que ce n’est pas d’hier que la machine est tenue responsable du chômage, le sociologue affirme que ces analyses simplifient la relation pourtant complexe et multifactorielle entre la machine et les emplois, que plusieurs chercheurs ont déjà explorée.

Les imprévus juridiques qui pourraient s’immiscer dans le débat social sont un autre argument avancé.  Rappelons que l’Europe vient d’adopter une résolution visant à créer un cadre juridique commun dans le domaine de la robotique et de l’IA, et qu’on débat même d’un éventuel statut juridique pour les robots. La question de la protection des travailleurs face aux pertes d’emplois causées par l’automatisation est considérée comme urgente par plusieurs, bien qu’elle n’ait pas été prise en compte par cette première initiative européenne.

Mieux vaut prévenir

On peut difficilement contester que cette révolution industrielle avance à une vitesse effarante et que sa (grande) part d’inconnu risque d’avoir des impacts majeurs sur l’ensemble de la société. Il semble donc justifié de recourir aux outils les plus sophistiqués dont nous disposons — l’IA y compris! — pour mieux la cerner et s’y préparer. Même les sommités en IA nous incitent à la prévoyance. À ce propos, le chercheur montréalais  Yoshua Bengio, l’un des trois plus éminents experts en la matière, affirmait récemment à La Presse canadienne :

« Je crois que les gouvernements devraient commencer dès maintenant à réfléchir sur comment s’adapter à ça dans la prochaine décennie, sur comment modifier notre filet de sécurité sociale pour gérer ça. »

M. Bengio fait partie des membres du comité scientifique de la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA, une initiative qui vise à baliser cette nouvelle technologie à plusieurs égards, notamment quant aux transformations économiques qu’elle va engendrer.

 Disparu : Le réveilleur

Grannie Cousins", the local 'Knocker up' in c.1912. (GB124.DPA/1872/23).

Celui qui essaierait aujourd’hui de réveiller ses voisins à coup de grands cris ou en laçant des cailloux à sa fenêtre verrait vite la police à ses trousses. C’était pourtant ce en quoi consistait le métier de réveilleur dans l’Angleterre de la révolution industrielle jusqu’aux années 1920.

Ces travailleurs auraient-ils pu croire qu’ils seraient un jour remplacés par des réveille-matins toujours plus sophistiqués (voire par une certaine Siri)?

En voie de disparition

Voici quelques-uns des emplois qui ont plus de 95 % de risque de disparaître à cause de la robotisation selon l’étude d’Oxford.

  • Assistant juridique
  • Bibliothécaires
  • Expert-comptable
  • Employé de banque
  • Employé d’assurance

 Les métiers de 2030

Puisque 85 % des emplois de l’avenir n’auraient pas encore vu le jour, voici quelques idées à méditer!

  • Éleveur d’insectes comestibles
  • Contrôleur du climat
  • Cultivateur de vent
  • Gestionnaire de données inutilisées
  • Gérant d’avatars

Les atouts du travailleur de demain

Sans surprise, les métiers qui sont les plus à risque d’être automatisés sont ceux qui requièrent le moins d’aptitudes proprement « humaines ». Et d’ici à ce que les robots investissent ce terrain — pour notre bénéfice, on l’espère —, le travailleur de demain a tout à gagner à miser sur ses habiletés relationnelles, ses talents artistiques, son intelligence émotionnelle, son sens critique, sa flexibilité cognitive, sa curiosité, son ouverture d’esprit, sa capacité de persuasion, etc.

Après tout, c’est en partie pour pouvoir nous concentrer sur les aspects les plus stimulants, les plus « nobles » de notre travail que nous sommes pour le progrès technologique.

Afin de tirer notre épingle du jeu dans le monde que nous prépare cette 4e révolution industrielle, il faudra sans doute avant toute chose, comme le dit l’économiste James Bessen, « apprendre à apprendre ». Il reste la question cruciale de l’adaptation du système d’éducation. Quelles stratégies devra-t-il mettre en place pour nous préparer au marché du travail d’un futur pas si lointain?

Demandez à un robot si votre emploi risque de disparaître!

Pour une analyse basée sur des données québécoises et canadiennes :

Pour une analyse basée sur des données du Royaume-Uni (en anglais) :

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.