Elle se décline à l’infini, on a tous notre préférée et les effets qu’elle exerce sur nous à notre insu piquent notre curiosité. La couleur est un élément puissant qui fait partie intégrante de nos vies. Ce n’est pas un hasard si les experts du neuromarketing l’étudient sous toutes ses nuances. Dans la conception d’une formation en ligne, son choix ne peut être arbitraire, puisqu’au-delà de sa valeur esthétique, la couleur est un outil de communication majeur, porteur de sens et catalyseur de sensations. Voici les principes clés pour trouver LE ton de votre formation!

De toutes les étapes de la conception d’une formation en ligne, choisir sa palette de couleurs est sans doute l’une des plus amusantes. Ce qui ne veut pas dire que l’exercice doit être pris à la légère! Et le fait de suivre certains principes ne devrait en rien en diminuer le plaisir. Au contraire, cela devrait donner un angle d’analyse supplémentaire pour que cette formation soit cohérente sur le fond comme sur la forme, adaptée aux apprenants et à l’image de l’entreprise ou de l’institution qui la dispense. En ayant une meilleure idée de ce qui, dans ce processus, peut relever d’un élan créatif et de ce qui doit être réfléchi, vous éviterez de vous perdre dans l’infini des possibles du spectre chromatique.

Canada, Quebec, Montreal, Palais de Congres de Montreal, Photo by Felix Dubois-Robert

50 nuances de subjectivité

Notre rapport à la couleur comporte une grande part de subjectivité, teintée par nos goûts, nos expériences, de même que par le contexte socioculturel dans lequel nous baignons. Comme le souligne l’historien Michel Pastoureau, spécialiste de la symbolique des couleurs, ce contexte socioculturel joue un rôle majeur dans la construction de nos perceptions : « C’est la société qui « fait » la couleur, qui lui donne sa définition et son sens, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et définit ses enjeux. » On a qu’à penser au fait que pour nous, Occidentaux, la couleur du deuil est le noir, alors que pour les Asiatiques c’est le blanc. Sur une note plus légère, les tendances mode illustrent aussi cette forte influence sociale : vous n’aviez peut-être jamais au grand jamais eu envie de porter telle ou telle couleur, jusqu’à ce que le célèbre nuancier Pantone l’élise couleur de l’année… 😉

Pour en rajouter une couche quant au caractère subjectif de nos goûts chromatiques : on ne peut ignorer l’importance du contexte. Ce n’est donc pas parce que vous adorez le rose que vous apprécierez forcément qu’il domine votre écran d’ordinateur durant une formation en ligne de 15 heures. Dans son livre L’étonnant pouvoir des couleurs, le designer coloriste et membre du Comité français de la couleur, Jean-Gabrielle Causse confirme : « Les préférences de couleurs sont […] très subjectives et changent du tout au tout selon le contexte. Vos couleurs préférées selon les domaines n’ont généralement rien à voir avec votre couleur préférée dans l’absolu (Holmes et Buchanan, 1984). »

Emmy Huot, développeuse interactive à KnowledgeOne, qui a suivi et donné plusieurs formations sur la couleur, parle d’expérience : « J’ai déjà entendu un expert en conception pédagogique déconseiller à tout prix l’usage du violet… Mais selon moi, les couleurs peuvent TOUTES être utilisées en design. C’est une question de contexte. Si vous n’aimez pas le rendu d’une couleur, c’est peut-être que vous n’avez pas choisi le bon ton. Il faut adapter le niveau de tonalité, l’opacité, la luminosité et la saturation pour que la couleur convienne au contenu et à l’image. C’est en les travaillant qu’on peut aller chercher le meilleur de chacune des couleurs! »

Question d’image : la couleur au premier plan

Travailler son image n’est plus une option pour qui veut réussir. Exposé chaque jour à quelque 3 000 publicités, l’œil contemporain est pour le moins affûté dans le décodage d’informations visuelles… et aussi, un peu fatigué. Pour capter l’attention, l’identité visuelle d’une image de marque — qu’il s’agisse d’un produit, d’une entreprise, d’une institution, etc. — doit impérativement être conçue avec soin. La couleur est un ingrédient clé qui « attire l’attention et incite à l’action », comme le souligne Jean-Gabriel Causse.

Les effets de la couleur ont fait couler beaucoup d’encre notamment en neuromarketing. Cette dernière discipline s’appuie sur la psychologie et les neurosciences pour décrypter les comportements des consommateurs dans le but ultime d’influencer leurs décisions d’achats. Des chercheurs en psychologie ont aussi analysé l’influence des couleurs sur l’apprentissage. Si plusieurs des études en marketing ne peuvent s’appliquer telles quelles à l’univers de la formation en ligne — puisque ni le public cible, ni l’environnement, ni l’objectif ne sont les mêmes —, certains de leurs constats demeurent pertinents pour le sujet qui nous intéresse (voir l’encadré : Couleurs à l’étude).

N’oublions pas que le développement d’une formation en ligne comporte une dimension marketing, en ce sens qu’il faut « vendre » :

  • cette formation aux employés (apprenants), soit faire en sorte qu’elle leur plaise et qu’ils aient envie de la suivre;
  • l’entreprise aux employés, autrement dit leur en donner une image favorable;
  • les bénéfices de la formation continue aux employés, entre autres en leur montrant ce qu’ils peuvent en tirer personnellement.

Il ne faut jamais y aller en fonction de ses couleurs préférées. La formation ne s’adresse pas à soi, mais à un public cible qu’on doit connaître.

Emmy Huot, développeuse interactive à KnowledgeOne

Principes élémentaires

Les principes suivants devraient vous aider à faire un choix de couleurs optimal pour votre formation en ligne.

Concevoir un environnement harmonieux et censé. La formation en ligne d’aujourd’hui est un environnement en soi dans lequel les apprenants sont — plus ou moins — immergés de quelques heures à plusieurs semaines. Il est donc essentiel que cet espace d’apprentissage soit invitant, agréable à l’œil et en phase avec son contenu.

Comme le note Emmy Huot, le choix d’une palette de couleurs doit reposer sur des critères autres que nos goûts personnels du moment : « Il ne faut jamais y aller en fonction de ses couleurs préférées. La formation ne s’adresse pas à soi, mais à un public cible qu’on doit connaître. Et il faut garder en tête que le design est secondaire à l’apprentissage. En fait, il doit être à son service! »

Créer l’effet désiré. La couleur peut dynamiser l’aspect général d’une formation ou, au contraire, la faire paraître ennuyeuse. « Les couleurs vives ou claires peuvent donner une touche amusante. Elles conviennent, par exemple, pour les récompenses. Par contre, il faut doser parce qu’elles peuvent aussi faire enfantin », prévient Emmy Huot.

À l’inverse, les couleurs discrètes donnent du sérieux, mais choisir une palette composée uniquement de tels tons peut nuire à la motivation des apprenants. Idem pour les palettes monochromes, à une nuance près, selon la développeuse interactive : « Elles peuvent convenir pour un cours très complexe où il vaut mieux éviter toute forme de distraction et pour lequel les images ont peu d’importance. »

Chaque couleur de votre palette devrait avoir sa raison d’être dans la hiérarchie et la fonctionnalité du design.

Carmelo Cipolla, designer visuel et interactif à KnowledgeOne

Combien de couleurs choisir? La modération a la cote chez la plupart des experts. Carmelo Cipolla, designer visuel et interactif à KnowledgeOne, souscrit à cette tendance : « N’utilisez que ce dont vous avez besoin. Moins c’est mieux! Chaque couleur de votre palette devrait avoir sa raison d’être dans la hiérarchie et la fonctionnalité du design. » Michael Cerantola, gestionnaire de l’intégration à KnowledgeOne, s’oppose pour sa part à l’idée d’une règle absolue sur la question : « Évidemment, on veut éviter l’effet de pizza — à moins que votre projet soit sur les arcs-en-ciel — et en ce sens on devrait s’en tenir à deux ou trois couleurs dominantes et à quelques couleurs secondaires ou tertiaires en accent. Mais contrairement au nombre de fontes de caractères, on ne devrait pas à tout prix se limiter, dans la mesure où la sélection de couleurs respecte une certaine logique. »

Évidemment, on veut éviter l’effet de pizza — à moins que votre projet soit sur les arcs-en-ciel.

Michael Cerantola, gestionnaire de l’intégration à KnowledgeOne

Faut-il rester dans les tons de l’image de marque? Il peut être souhaitable de reprendre les couleurs du logo et de la charte graphique de l’entreprise pour préserver une harmonie. Cela dit, il est aussi possible d’explorer d’autres avenues! Une entreprise peut profiter de l’occasion pour projeter une image un peu différente — et complémentaire — de celle qu’elle véhicule normalement. Par exemple, si elle cultive une image conventionnelle vis-à-vis de ses clients, elle peut souhaiter se montrer sous un jour plus innovant, dynamique ou décontracté face aux employés qui suivront sa formation. « C’est possible d’incorporer au design certains éléments graphiques de l’entreprise en utilisant d’autres couleurs », dit Carmelo Cipolla.

Il faut selon lui retrouver un peu de l’image de marque de l’entreprise dans la palette de la formation : « Les couleurs de la formation devraient être liées d’une façon quelconque à celles de l’entreprise. Vous n’avez pas à vous y restreindre, mais il vaut mieux reprendre au minimum la couleur la plus forte de son identité visuelle, puis ajouter des couleurs qui la complètent et qui vont dans le sens de son image de marque. »

Miser sur les bonnes combines. Un souci particulier doit être porté aux combinaisons de couleurs, car un mauvais mariage peut non seulement se répercuter sur le plan esthétique, mais aussi symbolique et ergonomique. « Il faut choisir des couleurs qui se mettent en valeur l’une et l’autre, pas des couleurs qui jurent », rappelle Michael Cerantola.

Toutefois, notre appréciation des mariages de couleurs est en partie une affaire de tendances, et la mode ne se limite pas qu’aux vêtements et à la déco… elle touche aussi le design graphique! Or, comme pour les vêtements et la déco, les combinaisons de couleurs dernier cri ne conviennent pas à tous et ne sont pas appropriés dans tous les contextes. Il faut donc se demander, selon le public cible et le contenu de la formation, où devrait se situer notre choix sur une échelle allant de l’audace au conservatisme.

Dans un autre ordre d’idées, en raison de leur forte connotation symbolique, certains mariages sont en général à éviter. Pensons à celui du rouge et du vert qui évoquent Noël, de l’orange et du noir de l’Halloween, ou encore du rouge et du jaune d’une célèbre chaîne de restauration rapide.

Sur le plan du confort, il est souhaitable pour tous les apprenants d’éviter les combinaisons qui accélèrent la fatigue visuelle, dont celle du rouge et du bleu.

Photo by Zbynek Burival

Trouver le juste contraste. Le contraste est un autre facteur à considérer lorsqu’il est question de combinaisons : « Trop de contraste ce n’est pas beaucoup mieux que trop peu. Il faut trouver un équilibre et savoir quel effet vous souhaitez créer », précise Emmy Huot. Le contraste entre un fond et du texte peut avoir un impact important sur l’ergonomie.

Sur son site web, le Centre canadien d’hygiène au travail explique : « Afin de voir correctement plusieurs couleurs en même temps, l’œil doit focaliser rapidement et en alternance sur des distances variables. Plus les couleurs sont éloignées l’une de l’autre dans le spectre visible, plus le processus est difficile. Lorsqu’on se concentre simultanément sur des couleurs situées aux extrémités opposées du spectre (p. ex. rouge et bleu), les yeux se fatiguent davantage que lorsqu’on se concentre sur des couleurs proches l’une de l’autre dans le spectre (p. ex. vert et jaune). Il faut éviter de faire afficher des caractères sur des couleurs situées aux deux extrémités du spectre, à moins d’être sur fond pâle ou contrasté. » Que la couleur du texte présente un bon contraste avec l’arrière-plan est d’autant plus crucial lorsque la lecture se fait, comme dans ce cas-ci, sur un écran.

En s’appuyant sur la norme ISO relative à l’ergonomie de l’interaction homme-système, une image colorée devrait pour sa part être présentée sur un fond achromatique (noir, blanc ou gris), et une image achromatique sur un fond de couleur (Mayhew, 1992).

Penser aux daltoniens. Environ 8 % des hommes et tout au plus 1 % des femmes vivent avec un dysfonctionnement de la vision des couleurs : une « dyschromatopsie » — que l’on appelle communément daltonisme. L’anomalie la plus courante de cette condition en général héréditaire se caractérise par une difficulté à distinguer le rouge et le vert. « Pour éviter de brimer ces apprenants en leur causant des problèmes de compréhension, je déconseille d’utiliser une palette composée uniquement de tons de rouge et de vert ou encore de bleu et de jaune », dit Michael Cerantola.

Ajoutons qu’avec l’âge, notre capacité à voir les couleurs de faible longueur d’onde, notamment les violets et les bleus foncés, tend à diminuer (tableau Couleurs du spectre).

Faciliter le repérage. Il faut toujours garder en tête qu’en formation en ligne la couleur est essentielle pour soutenir la perception et le traitement des informations. Elle peut servir à repérer celles-ci, à les mettre en évidence et à les classifier.

En plus de choisir les couleurs qui créeront l’impression générale de la formation, il faut aussi sélectionner judicieusement celles qui habilleront ses éléments fonctionnels que sont les indications et les éléments cliquables. « Si vous optez pour du doré dans votre palette, ça ne veut pas dire que cette couleur convient pour les éléments cliquables », prévient Carmelo Cipolla, designer visuel et interactif à KnowledgeOne, ajoutant qu’en principe, tous les éléments cliquables doivent être d’une même couleur pour l’ensemble de la formation.

Du bon usage des codes de couleurs. Les codes de couleurs peuvent être appliqués tant à du texte qu’à des éléments graphiques afin d’indiquer que tel élément se rattache à telle catégorie ou qu’une attention particulière doit y être portée. Cette catégorisation est rassurante pour l’apprenant et lui évite d’avoir à décrypter certaines indications qui reviennent tout au long du cours. Pour favoriser une mémorisation optimale des codes de couleurs, il vaut mieux se limiter à 4 ou 5 tout au plus.

Avec ces principes pour donner le ton à votre formation en ligne, il ne vous reste qu’à ajouter votre touche de créativité… et votre nuance de subjectivité!

Symbolique des couleurs

Modelée par l’histoire, la nature, le cycle de la vie humaine et la culture, la symbolique des couleurs influence jusqu’à un certain point notre perception de celles-ci. Voici un aperçu de ce qu’évoquent quelques-unes d’entre elles.

Bleu : Couleur de l’eau et du ciel, elle est productive, non invasive et inspire confiance. C’est LA couleur préférée toutes cultures confondues!

Rouge : Couleur de l’amour, de la séduction et de la passion, c’est aussi celle de la haine, de la guerre et du sang. Elle inspire le dynamisme et l’urgence. C’est l’une des couleurs les plus populaires en marketing. En Asie, c’est la couleur du pouvoir, du bonheur et de la bonne fortune. Le rouge ne laisse personne indifférent!

Jaune : Couleur du soleil, de la jeunesse et de l’optimisme, mais aussi de la jalousie. Mal-aimée des Occidentaux, c’est la couleur de la royauté pour les Asiatiques, et celle de l’humilité pour les bouddhistes.

Vert : Couleur de la nature et de la fraîcheur elle est ressourçante et évoque l’équilibre, la tranquillité et l’espoir. Ambiguë, elle peut toutefois représenter tant la chance que la malchance, la santé que la maladie, l’écologie que l’argent (pensons au vert des billets de banque)…

Blanc : Couleur universelle de la pureté, de l’innocence, mais aussi de la vieillesse et de l’absence (comme dans : nuit blanche, page blanche, chèque en blanc, etc.). Maintenant déclinée dans tous les tons possibles et imaginables, c’est la couleur fétiche du minimalisme du moderne. Sur le plan du sacré, pour les Asiatiques elle représente le deuil, alors que les Occidentaux l’associent au mariage et au baptême.

Noir : Couleur élégante, luxueuse et mystérieuse, elle évoque aussi le conservatisme, l’autorité, l’austérité et le danger. Peu importe la façon dont on l’interprète, c’est une couleur forte, sans nuances… Pour les Occidentaux c’est elle qui incarne le deuil, et la fin en général.

Couleurs à l’étude

Nous sommes loin de connaître tous les effets que la couleur opère sur nous, mais nous disposons de pistes intéressantes. En voici quelques-unes qui peuvent être utiles pour la conception de formations en ligne.

  • Surligner du texte en couleur attirerait l’attention et inciterait à l’action. Après avoir commencé à utiliser le surlignage en couleur dans ses factures, une compagnie d’assurance a reçu les paiements de ses clients en moyenne deux semaines plus tôt qu’avant (Étude HP Canada).
  • La couleur pourrait améliorer la compréhension de 73 % (Johnson, 1992) et les habiletés d’apprentissage, soit la faculté à retenir une leçon, de 55 à 78 % (Embry, 1984).
  • Le vert favoriserait la créativité (Lichtenfeld, Elliot, Maier, Pekrun, 2012). Ce serait aussi une couleur particulièrement convaincante. C’est ce qui ressort d’une étude où les sondés devaient préciser leur degré d’accord sur des affirmations neutres éditées en différentes couleurs (Hewlett Packard, 2009).
  • Une ambiance chromatique rouge favoriserait la concentration, alors qu’une ambiance chromatique bleue stimulerait davantage l’intuition (Mehta et Zhu, 2009). Cette étude publiée dans la prestigieuse revue Science a toutefois ses détracteurs.
  • Les environnements de couleurs, notamment de couleurs chaudes favoriseraient la productivité et le plaisir au travail (Kobayashi et Sato, 1992 – Mukae et Sato, 1992). Reste à savoir si ce constat vaut pour les environnements numériques…
Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.