L’isolement et la solitude liés à la pandémie sous l’angle de l’apprentissage en ligne

Vous souvenez-vous, à l’école primaire, quand votre professeur se détournait du tableau au moment précis où le clown de la classe exécutait son dernier tour? « Toi », disait le professeur, « viens t’asseoir ici! » Et le clown de la classe se dirigeait, avec découragement, vers le bureau du fauteur de troubles à l’avant de la classe, un bureau qui était en général isolé de l’ensemble des autres bureaux. Ou alors, l’enseignant allait jusqu’à demander au clown de rester derrière à la récréation, de plier les mains sur les genoux et de se taire pendant quinze minutes — une punition interminable pour un enfant.

C’est parfois à cela que ressemble la solitude causée par la pandémie : une punition.

Et quoi de plus irritant qu’une punition pour un crime qu’on n’a pas commis? Telles sont les conditions que de nombreux étudiants et enseignants endurent depuis près d’un an. Il est facile de penser que l’apprentissage à distance — plus précisément, l’apprentissage à distance qui n’est pas « volontaire » — est une sorte de bannissement dans un territoire éducatif inconnu. La phrase d’accroche souvent prononcée pour apaiser ceux qui peuvent déplorer les circonstances actuelles est que, même si celles-ci sont éprouvantes et désagréables, elles sont au moins partagées. Nous sommes tous dans le même bateau… Mais le sommes-nous vraiment? Bien que la solidarité soit certainement un instrument vital pour endurer une crise telle qu’une pandémie mondiale, il est impératif de ne pas la confondre avec l’idée que l’on vivrait tous des réalités semblables. Nous restons, après tout, des individus. Et bien que nous soyons « dans le même bateau », chaque expérience demeure unique et personnelle.

Une enquête transversale menée par des chercheurs de l’Université de Miami a révélé que 65 % des 1 008 participants interrogés ont fait état d’un sentiment de solitude accru depuis la mise en œuvre des réglementations d’éloignement et de confinement liées à la pandémie (Horigian, V., Schmidt, R. D., & Feaster, D., 2020). Cela représente 655 individus qui sont « dans le même bateau », mais qui se sentent seuls. On peut donc suggérer que la simple existence d’une expérience partagée ne représente pas une solution à l’isolement. Comment les étudiants peuvent-ils donc réduire ce sentiment de solitude, et comment leurs enseignants peuvent-ils faire de même?

Le Dr David Dozois, professeur de psychologie à la Western University, a expliqué à CTVNews qu’il était important de « normaliser » les sentiments d’isolement et de solitude durant la pandémie de COVID-19. On peut se demander à quoi pourrait ressembler la « normalisation » de la solitude dans un environnement d’apprentissage en ligne?

Voici quelques éléments à prendre en compte en ce sens :

  1. Mettre à jour les ressources d’aide. Il peut être judicieux pour les enseignants de rappeler aux étudiants les services et ressources universitaires qui sont mis à leur disposition pendant (et après) la pandémie. Bien que la santé mentale ne fasse pas partie du programme d’un cours particulier, elle reste « associée de manière significative aux résultats scolaires des étudiants » (Eisenberg, D., Goldberstein, E. et Hunt, B., 2009). Plusieurs services et ressources de santé mentale sont par ailleurs offerts non seulement aux étudiants, mais aussi au corps enseignant. Les établissements d’enseignement supérieur travaillent avec des professionnels de la santé et du bien-être qui surveillent activement les situations complexes et les personnes qui en sont touchées. La page Santé mentale de l’Université Concordia, par exemple, propose des outils d’autoassistance ainsi que des liens pour obtenir de l’aide. Sur cette page, vous pouvez également trouver un article présentant des ressources en ligne sur la santé mentale liées spécifiquement à la pandémie de coronavirus. Attirer l’attention sur les services et les ressources disponibles pour les étudiants et les professeurs normalise l’isolement en reconnaissant que si une aide est nécessaire, elle est disponible pour toute personne qui en a besoin.
  2. Proposer des forums anonymes et des conversations guidées. Une autre possibilité pour les enseignants et les étudiants consiste à promouvoir et faciliter les discussions sur le sujet; l’un des objectifs des campagnes de santé mentale étant d’éliminer la stigmatisation qui entoure le sujet. Le fait d’offrir aux étudiants une plate-forme ou un forum où ils peuvent s’engager de façon anonyme les uns envers les autres peut être une solution pour diminuer l’isolement et la solitude vécus en confinement. Des logiciels gratuits, comme l’outil de sondage en ligne SurveyMonkey, peuvent être utilisés par les enseignants pour prendre le pouls de leurs étudiants. À partir de là, un forum peut être créé en utilisant, par exemple, FORUMOTION, où les étudiants et leurs enseignants ont la possibilité d’avoir des discussions plus approfondies.
  3. Favoriser l’apprentissage en groupe et les activités de collaboration. Bien que les deux premières suggestions puissent être considérées comme étant extrascolaires, il est également possible pour les enseignants de créer des occasions pour que les étudiants se sentent moins isolés dans le cadre du cours. Pour ce faire, les enseignants peuvent concevoir des devoirs et des activités (avec ou sans notes) qui sont intrinsèquement collaboratifs : les discussions en séminaire, les évaluations par les pairs et les projets de groupe peuvent tous être utilisés pour évaluer ou développer des compétences qui pourraient autrement être évaluées ou développées de façon individuelle. En offrant aux étudiants des possibilités de travail interactif et plus dynamique, les enseignants peuvent favoriser l’interaction, tout en préservant leur trajectoire pédagogique.

Étudiants et enseignants ont dû faire preuve d’une adaptabilité et d’une résilience extraordinaires tout au long de la pandémie. Pour plusieurs, la migration vers l’environnement d’apprentissage en ligne et son expérimentation sont venues avec leur lot de solitude et d’isolement. Reconnaître que cette expérience a été exigeante et éprouvante peut être le premier pas vers la normalisation de la solitude vécue par les étudiants et les enseignants. Il est aussi important de se rappeler que, comme pour la punition de notre cher clown de classe du début, cela aussi passera!

Josh Quirion

Auteur:
Josh Quirion

Concepteur d’expériences d’apprentissage @KnowledgeOne |
Écrivain et rédacteur en chef de
yolkliterary.ca 

Josh Quirion est un ancien journaliste et instructeur au cégep. Il détient un baccalauréat en éducation de l’Université Bishop’s et une maîtrise en littérature anglaise et en création littéraire de l’Université Concordia. Quirion a publié son premier livre, Towners & Other Stories (Shoreline Press), en 2020.