Les microcertifications, aussi définies par le terme microtitres de compétences, sont un type de formations et de certifications courtes et ciblées qui commence à se tailler une place dans le système d’éducation postsecondaire, y compris universitaire. Depuis quelques années, l’UNESCO ainsi que plusieurs pays se sont intéressés de près à ce concept dans le but de mieux saisir son potentiel, de le définir et de l’intégrer aux systèmes d’enseignement établis.

Il n’existe pas de ce concept une définition exhaustive ou universelle, et il est peu probable que cela advienne vu la diversité des prestataires, le fonctionnement distinct des établissements et les considérations de compétence impliquées. Toutefois, des initiatives d’envergure visant à mieux les définir et les encadrer ont été entreprises au cours des dernières années, amoindrissant les disparités conceptuelles. Voici quelques pistes pour mieux saisir le concept de microcertifications.

Autour du monde. Les gouvernements et institutions d’enseignement supérieur de plusieurs pays ont récemment saisi la pertinence que peuvent avoir les microcertifications pour faire le pont de manière flexible et efficace entre les apprenants (travailleurs ou futurs travailleurs) et le marché du travail d’aujourd’hui et de demain. À titre d’exemples, en 2022, le Conseil de l’Union européenne (UE) a adopté une recommandation sur une approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité, alors que l’Australie a publié un cadre national de microcertifications dans la foulée de l’avènement du système de microcertifications de la New Zealand Qualifications Authority (NZQA).

Au Canada, les gouvernements de certaines provinces ont investi pour accélérer la mise en place de microcertifications et, par conséquent, plusieurs universités ont développé les programmes de microcertifications les plus pertinents pour répondre aux besoins de leur communauté. L’Ontario se démarque particulièrement dans la création de ces programmes, alors qu’eCampusOntario* s’est associé avec plus de la moitié des collèges et universités de la province pour lancer, de 2019 à 2021, 36 projets pilotes de « microtitres de compétences » afin de mettre à l’essai leur référentiel Principes et cadre de microcertification. Ce référentiel est un guide décrit comme « un document vivant sous licence ouverte, conçu pour être mis à jour et adapté au fur et à mesure que l’on en apprend davantage sur les microtitres de compétences dans la pratique ».

*eCampusOntario est un organisme sans but lucratif financé par la province de l’Ontario qui dirige un consortium de collèges, d’universités et d’instituts autochtones financés par le gouvernement provincial. Ses membres développent des plateformes, des outils et font de la recherche en vue de faire progresser l’utilisation des technologies éducatives et des environnements d’apprentissage numérique en faveur de l’apprentissage permanent.

Vers une vision commune. Une vision commune sur ce qui caractérise les microcertifications commence à rallier ceux qui s’y intéressent de près, ici comme ailleurs, tel que le constate le rapport de recherche sur les projets pilotes d’eCampusOntario paru en 2022. En ce qui concerne les intervenants canadiens, ce rapport indique que de plus en plus ceux-ci considèrent que les microtitres de compétences sont « 1) définis par l’accent mis sur des aptitudes et des compétences précises; 2) attribués sur la base d’une évaluation; 3) pertinents pour l’employeur ou l’emploi; 4) flexibles en ce qui a trait à leur lien avec d’autres formes d’accréditation; 5) des cours d’accréditation de courte durée ».

Dans son rapport préliminaire intitulé Vers une définition commune des microcrédits, l’UNESCO propose en quatre critères une définition consensuelle provisoire du concept. Ainsi, ce qu’elle nomme « microcrédit » (synonyme de microtitre de compétences ou de microcertification) : « 1) est un dossier de réalisation d’apprentissage ciblé qui vérifie ce que l’apprenant sait, comprend ou peut faire; 2) comprend une évaluation basée sur des normes clairement définies et décernée par un fournisseur de confiance; 3) a une valeur autonome et peut également compléter d’autres micro ou macrotitres de compétences, ou y contribuer, notamment par la reconnaissance des acquis; 4) satisfait aux normes requises par l’assurance qualité pertinente ».

La tendance « micro ». Dans l’univers de la formation, le préfixe « micro » (pour « très petit ») a la cote. Vous avez peut-être entendu parler de microapprentissage, de micromodules, de microcrédits ou encore de microdiplômes. En ce qui concerne les microcertifications ou microtitres de compétences, le préfixe « micro » évoque principalement le fait qu’il s’agit d’une formation de plus courte durée qu’une formation postsecondaire traditionnelle. Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne la durée optimale que devrait avoir une formation menant à un microtitre de compétences. On s’entend toutefois à l’effet qu’il correspond à des unités d’apprentissage plus courtes et plus spécialisées que celles d’un cours de trois mois ou de trois crédits de 36 heures.

Le rapport préliminaire de l’UNESCO cité plus haut précise que les microcrédits (synonyme de microtitres de compétences) « se composent de modules d’apprentissage nettement moins longs que les titres scolaires conventionnels et permettent souvent aux apprenants d’accomplir le travail requis sur une période plus courte ». L’Ontario a pour sa part déterminé par règlement qu’un tel programme ne doit pas dépasser 12 semaines. Du côté européen, un consortium de fournisseurs de MOOC (cours en ligne ouvert et massif) a tenté d’encadrer les microcrédits et proposé que ceux-ci représentent l’équivalent de 100 à 150 heures d’études au niveau collégial ou universitaire.

Pour une définition et une typologie claires. Dans le cadre de la création de son référentiel et du déploiement de ses projets pilotes, eCampusOntario a opté pour le terme « microtitre de compétences » plutôt que « microcertification ». Le projet de recherche Donner une sens aux microcertifications réalisé par des chercheurs du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) a entre autres permis de réaliser que seulement un Canadien sur quatre avait déjà entendu le terme « microtitre de compétences », et que très peu d’entre eux étaient certains de ce qu’il signifiait. Cependant, une fois qu’une définition leur était présentée, 74 % des répondants en âge de travailler se sont dits intéressés par les microtitres de compétences, que ce soit dans le cadre d’un perfectionnement professionnel ou personnel, ou des deux. Une intervenante impliquée dans cette recherche explique qu’« il sera important de normaliser et d’utiliser de plus en plus le terme microtitres de compétences pour susciter l’intérêt et atténuer les préoccupations des Canadiens en âge de travailler pour ce qui est de tirer parti de ces possibilités d’apprentissage, particulièrement chez ceux qui manifestent déjà de l’intérêt ». Le terme « microtitres de compétences » est en effet plus parlant que celui de « microcertifications » pour nommer ce concept dont l’accent est mis sur l’acquisition et la reconnaissance de compétences et d’aptitudes précises. Le rapport de recherche sur les projets pilotes d’eCampusOntario souligne que « cet accent est essentiel, car il soutient l’une des principales valeurs ajoutées offertes par les microtitres de compétences, à savoir qu’ils permettent un perfectionnement des compétences et une formation plus efficaces et ciblés des apprenants, ainsi que des processus de recrutement et d’embauche plus efficaces pour les employeurs ».

Un concept distinct des badges. Conçus pour être différents des programmes existants, les microtitres de compétences visent à mieux adapter l’offre de formations postsecondaires, y compris universitaire, aux nouvelles réalités du marché de travail et des apprenants. Alors que les formations courtes de divers types offertes par des prestataires autres que des institutions d’enseignement pullulent depuis quelques années et que leur qualité varie considérablement, l’intégration des microtitres de compétences dans le système d’enseignement établi a entre autres l’avantage de donner des balises rigoureuses à des formations courtes et ciblées et, par conséquent, de la valeur.

Ce concept est toutefois souvent confondu avec celui des « badges », qui sont en fait des emblèmes des compétences acquises. Comme l’explique le référentiel sur les microtitres de compétences d’eCampusOntario, « la principale différence réside dans le fait que le titre de compétences est intégrable ou non, ce qui signifie qu’il peut figurer sur un relevé de notes traditionnel d’un collège ou d’une université ». Plus précisément, comme le souligne le référentiel, alors que « les badges peuvent concerner n’importe quel domaine et être attribués par n’importe qui », les microtitres de compétences sont :

  • « liés à un ensemble de normes ou de compétences formellement approuvées ou acceptées;
  • enseignés de manière formelle par un professeur ou un mentor qui a la responsabilité de s’assurer que l’étudiant apprend et répond aux attentes pour l’attribution du microtitre de compétences;
  • peuvent être cumulables pour obtenir un titre de compétences reconnu par d’autres établissements.

La valeur réside dans l’apprentissage de la compétence ou de la connaissance particulière (Contact Nord, 2020). En bref, le microtitre de compétences est le programme d’études et le badge est une représentation de la réussite de son apprentissage ».

Reconnaissance d’un microtitre. Tout microtitre de compétences doit être reconnu par une forme de certificat d’achèvement ou de réussite d’un établissement ou de badge numérique qui précise les résultats d’apprentissage obtenus ou les compétences acquises. La majorité des microtitres de compétences sont émis sous forme de badges, plus précisément de badges numériques ouverts, une option technologique qui facilite leur vérification et leur gestion. Un badge numérique est un fichier numérique conféré par un organisme émetteur à un apprenant qui comporte une représentation visuelle ainsi que des métadonnées informatives vérifiables et infalsifiables. Il peut servir à motiver l’apprenant dans un parcours d’apprentissage, à reconnaître ses accomplissements ou apprentissages, ou encore à certifier qu’il a acquis des connaissances ou développé des compétences.

Un microtitre de compétences est un badge numérique dit « ouvert », parce qu’il s’agit d’un « badge numérique conçu dans un système libre de droits et standardisé, pouvant être utilisé par tout organisme émetteur qui le souhaite » (Grand dictionnaire terminologique, OQLF). À la différence des badges numériques « fermés », il peut aussi être rendu public par l’apprenant à qui il est décerné — qui en devient le détenteur et le gestionnaire —, et notamment être partagé sur ses réseaux sociaux ou ajouté à son CV en ligne à l’aide d’un lien (URL). L’émetteur a cependant la possibilité de donner une date limite à l’utilisation du badge numérique ou du certificat de microtitre de compétences, ce qui est judicieux lorsque des compétences sont à mettre à jour ou à faire valider périodiquement, par exemple pour des raisons de sécurité ou d’évolution technologique.

Les microtitres de compétences peuvent être cumulables pour former un ensemble de compétences utiles dans un domaine donné. Toutefois, il apparaît primordial qu’ils conservent une « valeur autonome », autrement dit, que les acquis d’un microtitre de compétences puissent être pertinents sur le marché du travail sans avoir à être jumelés à ceux d’un ou de plusieurs autres microtitres de compétences.

L’évaluation : élément clé. L’évaluation est un élément clé du concept de microtitre de compétences. Elle donne l’assurance que son détenteur a bien démontré qu’il a acquis les compétences visées et qu’il est prêt à les mettre en application sur le marché du travail. L’évaluation permet aussi de distinguer les microtitres de compétences des autres réalisations véhiculées par des badges qui n’ont pas nécessairement été évaluées ou évaluées selon des normes fiables. Si les évaluations des microtitres de compétences diffèrent en quelques points de celles des cours postsecondaires traditionnels, il est essentiel qu’elles soient tout aussi rigoureuses. Dans le système postsecondaire canadien, on penche pour que l’évaluation d’un microtitre de compétences soit « authentique ». Selon le rapport L’avenir est dans les microtitres de compétences, cela signifie que cette évaluation « doit donner aux apprenants l’occasion de démontrer leurs compétences dans le contexte de situations professionnelles », « être significative et pertinente pour les apprenants et les employeurs », et « viser à évaluer les compétences et les connaissances d’un apprenant tout en lui offrant la possibilité de s’exercer, d’accéder à des ressources et d’obtenir un retour d’information tout en accomplissant une tâche complexe ».

En fonction des compétences enseignées et de leur mode d’enseignement, la forme que prend l’évaluation peut varier (une démonstration par vidéo, une évaluation écrite, un portfolio, etc. — ou une combinaison d’approches). Il est admis qu’évaluer selon une approche unique l’ensemble des microtitres de compétences n’est pas approprié. En principe, l’évaluation finale d’un microtitre de compétences se solde soit par un succès soit par un échec de la « maîtrise » des compétences, maîtrise pouvant être fixée à un seuil très élevé, par exemple une note de 90 %; à la différence de l’évaluation pour un cours traditionnel, qui est en général scindée en plusieurs évaluations et qui n’exige pas la maîtrise, mais plutôt la compétence, établie en général à 50 %. Avant de se soumettre à l’évaluation finale — au moment où il sent qu’il maîtrise les compétences en jeu —, l’apprenant doit avoir eu l’occasion de s’exercer à l’aide d’évaluations formatives conçues pour favoriser l’atteinte des objectifs d’apprentissage au programme. Notons que certains microtitres de compétences peuvent être obtenus par le biais de l’évaluation, sans que le candidat ait à assister à des cours ou à étudier, ce qui représente une option complémentaire à la voix traditionnelle de reconnaissance des acquis et des compétences (Woods et Skapenko, 2021). Mentionnons enfin que la collaboration entre les établissements d’enseignement qui délivrent les microtitres de compétences et les collaborateurs pertinents du marché du travail est perçue comme une condition sine qua non pour mettre en place des évaluations fiables et pour créer la confiance, la valeur et l’échange indispensables à l’émergence d’un écosystème de microtitres de compétences robuste.

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Stratège en communication et Rédactrice en chef @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative

Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.