Que signifie « apprendre » pour vous? Il y a de fortes chances que votre réponse diffère de celle de votre voisin. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire, on ne partage pas tous la même conception du processus d’apprentissage. Parmi ceux qui se sont penchés sur la question, le chercheur Roger Säljö qui, avec Ference Marton, est à l’origine des notions d’apprentissage en surface et en profondeur, est le premier à avoir identifié chez les étudiants adultes des conceptions différentes de l’apprentissage. Marton et d’autres collègues en ont mis une autre au jour quelques années plus tard. Voici ces 6 conceptions de l’apprentissage et quelques précisions d’intérêt sur le sujet!

Découverte en deux temps

Les cinq premières conceptions de l’apprentissage sont ressorties d’une enquête dans laquelle Säljö (1979) interviewait un groupe d’étudiants adultes sur ce qu’apprendre signifiait pour eux. Quant à la sixième conception, elle a émergé dans le cadre d’une étude longitudinale de six ans de Marton, Dall’Alba et Beaty (1993), également menée auprès d’étudiants adultes. Cette dernière a aussi permis d’observer une corrélation entre la façon dont un apprenant conçoit l’apprentissage et l’approche — en surface ou en profondeur — qu’il est susceptible d’adopter vis-à-vis de ses études.

Plus précisément, un apprenant dont la conception de l’apprentissage correspond à l’une des trois premières a de fortes chances d’opter pour une approche en surface, alors que si sa conception de l’apprentissage correspond à l’une des trois dernières, il est plus susceptible de réaliser une tâche d’apprentissage avec une approche en profondeur. Plusieurs études menées par la suite ont aussi fait des constats en ce sens (Van Rossum et Schenk, 1984; Marton et Säljo, 1997; Rosário, 1999). La bonne nouvelle, c’est que l’apprenant serait en mesure d’améliorer son processus d’apprentissage en modifiant la manière dont il perçoit la tâche à accomplir (Marton, Hounsell et Entwistle, 1997)!

Les six conceptions du processus d’apprentissage

  1. L’accroissement de connaissance

Augmenter la quantité d’informations qui constituent notre bagage de connaissances.

  1. La mémorisation

Enregistrer de l’information de manière répétitive pour la rappeler à notre mémoire au besoin.

  1. L’application

Acquérir des faits, des méthodes, etc. pouvant être retenus et/ou utilisés dans la pratique au besoin.

  1. L’abstraction de la signification

Chercher à comprendre le sens caché des choses.

  1. Un processus d’interprétation visant à comprendre la réalité

Aborder un concept selon différentes perspectives.

  1. Changer en tant que personne

Se développer ou changer en tant qu’individu à la suite de nouvelles compréhensions ou appréciations, voir le monde autrement.

*Les conceptions de 1 à 5 ont été identifiées par Säljö (1979), et la 6e, par Marton, Dall’Alba et Beaty (1993).

Le schéma décrypté

Deux catégories. En se référant aux notions d’apprentissage en surface et en profondeur dont nous avons traité dans un article précédent, on peut classer les six conceptions en deux catégories. Dans les conceptions 1 à 3, où l’apprentissage rime avec l’idée « d’enregistrer », d’accumuler et de reproduire de l’information, le savoir y est dépeint comme étant extérieur à l’apprenant, ce qui correspond à un apprentissage dit « en surface ». Les conceptions 4 à 6, où l’apprenant cherche à donner du sens à l’information et à la transformer dépeignent le savoir comme un processus interne (Entwistle, 1998a, 1998b, 1990) menée par une intention d’apprendre et de comprendre, ce qui renvoie à un apprentissage « en profondeur ».

De la plus évoluée à la moins évoluée. On peut dire des six conceptions de l’apprentissage qu’elles s’inscrivent dans une hiérarchie développementale qui va en ordre croissant de la première à la sixième. Puisqu’il est question d’apprenants adultes, il faut entendre le terme « développemental » dans le sens de « croissance épistémologique ». Ainsi, la première conception correspond au plus faible stade développemental et la sixième, au plus important, alors que cette dernière « ajoute à l’apprentissage un aspect existentiel dans la mesure où l’apprentissage est vu comme conduisant à une vision différente du monde » (Rosário et al. 2007).

L’une dans l’autre, comme des poupées russes. Ces conceptions, telles que présentées dans le schéma, forment aussi une hiérarchie imbriquée. Ainsi, la sixième conception englobe les cinq précédentes, la cinquième comprend les quatre précédentes, et ainsi de suite. Par contre, puisque la hiérarchie développementale va en ordre croissant, l’inverse n’est pas vrai. Il est donc peu probable qu’un apprenant dont la conception correspond, par exemple, à la troisième, voit l’apprentissage comme un changement interne le menant à voir le monde autrement.

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.