Les notions d’apprentissage en surface et en profondeur ont émergé il y a une quarantaine d’années, alors que deux chercheurs suédois formés en psychologie, Ference Marton et Roger Säljö, tentaient de comprendre comment un groupe d’étudiants universitaires abordaient la lecture. Marton et Säljö ont constaté que l’adoption de stratégies d’apprentissage en profondeur était associée chez les apprenants à un niveau de réussite supérieur; depuis, ce constat a répété dans d’autres travaux et l’usage de ces notions est devenu courant dans la recherche sur l’apprentissage. Voici un aperçu de ce qui les distingue et quelques nuances pour mieux les saisir!

(Synthèse inspirée de Marton et Säljö, 1976; Rhem, 1995; Wolfs, 1998; Cossette et Larue 2005; Biggs, 2007; Larue et Hrimech, 2009)

Bon à savoir

Atteindre un apprentissage « de qualité ». On peut définir un apprentissage efficace et de qualité de diverses façons, mais on ne fait pas fausse route en affirmant qu’un apprentissage en profondeur et autorégulé nous y mène (Marton et Säljö, 1976; Watkons et Biggs, 1996; Larue et Hrimech, 2009).

Ne pas confondre apprentissage « en profondeur » et « profond »! On pourrait (presque) dire que le premier est à l’intelligence humaine ce que le second est à l’intelligence artificielle (IA)… L’apprentissage profond, cette branche de l’IA considérée comme la plus prometteuse, est une technique qui consiste à développer chez un ordinateur la capacité « d’apprendre par lui-même » grâce à des réseaux de neurones artificiels (voir Intelligence artificielle : de la programmation manuelle à l’apprentissage profond).

La pertinence de l’apprentissage en surface. Malgré ce tableau comparatif qui penche résolument en faveur de l’apprentissage en profondeur, l’apprentissage en surface n’est pas à rejeter complètement. C’est que selon le type de connaissances à acquérir, la forme d’apprentissage à privilégier peut varier. Dans un parcours d’apprentissage, il est en effet fréquent qu’on doive apprendre certaines informations par cœur, sans avoir à y donner du sens ni à pousser la réflexion plus loin.

Attention aux mythes. Dans la foulée de la question des styles d’apprentissages que nous avons abord dans notre article 3 mythes qui vous empêchent d’apprendre, insistons ici sur le fait qu’il est faux de croire que certains apprenants sont « programmés » pour être plus aptes à travailler soit avec une approche en profondeur soit avec une approche en surface. En fait, un même apprenant recourt à différentes approches d’apprentissage selon le contexte, plus précisément selon les différentes exigences qu’ils perçoivent comme étant imposées par la diversité des tâches à accomplir (Laurillard, 1998).

Le « paradoxe de l’apprenant asiatique ». Pour continuer sur la même note, on ne peut passer sous silence le « paradoxe de l’apprenant asiatique » qui, comme l’expliquent les auteurs de Recherche comparative en éducation, s’incarne dans le syllogisme : « 1. Les étudiants chinois utilisent plus l’apprentissage par cœur que les étudiants occidentaux; 2. L’apprentissage par cœur conduit à des résultats d’apprentissage médiocres; 3. Donc, les étudiants asiatiques ont des résultats d’apprentissage plus médiocres que les étudiants occidentaux. » Or, si l’on se fie aux comparaisons de résultats académiques internationaux, ce syllogisme ne tient pas la route.

L’explication la plus plausible de ce paradoxe proviendrait, comme le rapportent ces auteurs, de différences culturelles dans la façon dont Occidentaux et Asiatiques perçoivent la relation entre mémorisation et compréhension : « En fait, les étudiants chinois apprennent fréquemment de manière répétitive, à la fois pour assurer l’ancrage des connaissances et pour accroître la compréhension. […] Beaucoup d’étudiants chinois développent vraiment leur compréhension par un processus de mémorisation et peuvent ainsi obtenir de bons résultats universitaires. »

Apprentissage en profondeur et technologie. Les plateformes d’enseignement numériques et les simulations immersives « de situations authentiques » (voir La réalité virtuelle dans l’apprentissage vue par un expert d’Ubisoft) seraient des outils fort prometteurs pour un apprentissage en profondeur, notamment pour évaluer les apprenants. C’est ce qu’affirme le chercheur de Harvard Chris Dede, sommité dans la recherche sur le développement de technologies émergentes pour l’apprentissage, dans la seconde publication d’une série de rapports sur l’apprentissage en profondeur.

Selon lui, « la mise au point de systèmes d’évaluation plus sophistiqués est essentielle à l’évolution de l’apprentissage en profondeur, et la technologie offre un véhicule puissant à cet effet ». Dede ajoute que « bien qu’il soit possible d’enseigner pour un apprentissage plus approfondi sans technologie, il est difficile d’imaginer comment nos écoles étendront cet enseignement à une plus grande échelle sans le soutien des outils et des médias numériques ».

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.