Dans un monde où de nombreuses inégalités perdurent et ont des répercussions majeures sur la vie de ceux qui les subissent, l’éducation reste un outil puissant de prise de conscience et de changement. Nous sommes fiers de présenter un cours en ligne transformateur que nous avons contribué à concevoir pour remettre en question les perspectives, démanteler les préjugés et promouvoir une compréhension plus profonde du racisme et de l’antiracisme. Joignez-vous à notre discussion avec la Dre Delia D. Douglas, directrice du Bureau de lutte contre le racisme à la Faculté des sciences de la santé Rady de l’Université du Manitoba, et principale experte sur le sujet dans la conception de ce cours.

Pouvez-vous décrire ce qui a motivé la création du cours « Fondements de la race, du racisme et de l’antiracisme » ?

L’un des points de départ importants a été la reconnaissance du fait que nous héritons de ce qui s’est passé avant nous. Par exemple, nous vivons dans un présent créé par la dépossession, le génocide, l’esclavage et les projets coloniaux en cours. Nous vivons ces histoires de manière intime, intense, silencieuse et, parfois, douloureusement blessante (par exemple, la violence latérale et intériorisée).

Une autre considération importante fut le silence général sur la signification et l’importance de la race ainsi que la persistance du racisme dans toutes nos institutions, y compris les universités. Dans ce contexte, il était également important de souligner l’omniprésence et la banalisation du racisme, de même que la nécessité de mettre en branle un changement systémique.

Le racisme est un facteur déterminant de la santé mentale et physique ainsi que du bien-être, et son impact s’étend sur plusieurs générations.

En août 2020, la politique de lutte contre toutes les formes de racisme a été adoptée par le conseil exécutif de la Faculté des sciences de la santé de Rady. Les membres autochtones de la Faculté des sciences de la santé de Rady, en particulier, ont travaillé activement à la création de cette politique (pendant une dizaine d’années), en commençant par une étude sur les expériences des apprenants autochtones de la Faculté, suivie d’une réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Il s’agit de la première politique de lutte contre le racisme approuvée par une faculté ou un établissement postsecondaire au Canada. Il est important de souligner que cette politique ne s’applique qu’à la Faculté des sciences de la santé de Rady et non à l’ensemble de l’Université du Manitoba. Cette politique a été élaborée dans le contexte de l’histoire et des séquelles durables de la violence et de l’hostilité raciales qui ont donné naissance à l’État-nation canadien, notamment la dépossession, l’esclavage, le génocide, la Loi sur les Indiens, les pensionnats autochtones et les lois sur l’immigration.

Cette politique constitue une reconnaissance formelle du harcèlement racial, de la discrimination, de la diffamation et du racisme. Cette politique est une affirmation :

  • de l’histoire de la dépossession, de l’asservissement, du génocide et de leurs séquelles;
  • des projets coloniaux en cours;
  • de l’humanité, des droits, de la dignité et de la sécurité des étudiants, du personnel et du corps enseignant noirs, autochtones et issus de minorités racialisées.

Cette politique est un point de départ et non un point d’arrivée.

Dans cette optique, notre cours est un mécanisme qui s’appuie sur la politique en fournissant une ressource pour cultiver son alphabétisation raciale.

Je comprends que chacun aborde cette matière à partir de points de vue différents. Cela permet d’élargir notre compréhension de la signification et de l’importance de la race et de la persistance du racisme, car pour combattre le racisme sous ses diverses formes, nous devons d’abord le comprendre.

Il n’est pas possible de parvenir à l’antiracisme sans tenir compte du racisme. Ce cours est donc l’occasion pour les étudiants d’améliorer leur culture raciale en leur fournissant un vocabulaire qui leur permettra de s’identifier et de se parler au-delà de leurs différences, au service de la justice sociale.

Une autre motivation provient des deux enquêtes sur le climat racial menées à la Faculté des sciences de la santé de Rady en 2020 et 2023. La première a été lancée pour établir une base de référence sur le racisme, la sécurité de l’environnement d’apprentissage et la culture organisationnelle de la Faculté. Nous voulions comprendre les expériences, les niveaux de sensibilisation et l’aisance avec laquelle les gens signalent les incidents de racisme. La deuxième enquête a pour sa part été mise en œuvre dans l’ensemble de la Faculté dans le contexte des événements des deux dernières années, à savoir les pandémies parallèles de racisme et de covid-19 et leur impact disproportionné sur les communautés autochtones, noires et les minorités racialisées. Nous publierons un rapport sur les résultats des deux enquêtes dans les mois à venir. Je peux dire que les résultats confirment le besoin urgent d’éducation et de développement professionnel chez le personnel, les apprenants et le corps enseignant. Outre une profonde incompréhension de la nature et de l’impact du (des) racisme(s), les résultats confirment l’omniprésence du racisme à l’encontre du personnel, des apprenants et du corps enseignant noirs, autochtones et issus de minorités racialisées. Ces informations ont également inspiré la création de ce cours ainsi que la conception et la mise en œuvre de politiques, de procédures, d’une éducation et d’une formation incluant diverses stratégies et procédures de lutte contre le racisme.

Comment ce cours s’intègre-t-il dans vos efforts généraux de lutte contre le racisme, et par quel apport se distingue-t-il d’autres cours?

À l’heure actuelle, aucun module n’aborde les thèmes fondamentaux de la race, du racisme et de la lutte contre le racisme à l’Université du Manitoba. La priorité accordée au racisme est importante parce que le racisme est ancré dans notre vie quotidienne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’université. Le racisme se (re)produit à travers le silence, l’invisibilité et l’exclusion, ainsi que par le biais d’actions cachées, enracinées et cumulatives qui peuvent être difficiles à identifier.

Bien que le cours diffère d’un cours universitaire de 14 semaines, il représente une intervention importante et nécessaire.

La Faculté des sciences de la santé, composée de cinq collèges — dentisterie, médecine, pharmacie, soins infirmiers et sciences de la réhadaptation —, dispose de peu de place pour intégrer de nouvelles matières. La majorité du corps professoral de Rady manque également d’expertise dans ce domaine. En 2022, le Bureau de lutte contre le racisme de Rady a été créé, ainsi qu’un site web, et des guides de bibliothèque ont été développés pour couvrir ces domaines.

Quels sont les thèmes clés abordés dans ce cours et pourquoi ont-ils été choisis?

Les thèmes ont été choisis pour présenter les sujets et amener les gens à comprendre la complexité et l’histoire de l’inégalité raciale. Après le meurtre de M. Floyd en mai 2020, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers les États-Unis en soutien à Black Lives Matter (BLM) et ont inspiré des manifestations mondiales contre les brutalités policières, le racisme anti-Noirs et l’injustice raciale. De nombreuses personnes voulaient une boîte à outils ou un séminaire d’une heure — pensant que c’était tout ce qu’il fallait pour « comprendre » ou « résoudre » le racisme. Il nous a fallu plusieurs siècles pour en arriver là… Il n’y a pas de solution miracle ou de boîte à outils pour résoudre le racisme — si c’était facile, nous serions dans une situation différente aujourd’hui… En plus de faire réfléchir les gens sur la relation entre le passé historique et le présent, les participants sont initiés à la signification et à l’importance du concept de race et à la persistance du (des) racisme(s). Le racisme n’est pas qu’une seule chose — le cours aborde ce sujet et offre un aperçu de ses enjeux —, et elle peut impliquer une question de vie ou de mort.

Je crois qu’il n’y a pas d’endroit où l’on peut se permettre de ne pas avoir de réflexion sur le racisme — et donc l’un des points de départ clé dans ce cours n’est pas de savoir « si » la question de la race est importante, mais « comment » et « pourquoi » elle l’est.

L’une des façons de l’aborder est de demander aux participants, dès le début, d’identifier leur posture, de reconnaître certains des multiples éléments de leur identité afin qu’ils puissent identifier où ils se situent dans les relations de pouvoir.

Voici quelques-uns des sujets abordés :

  • Pourquoi la race est-elle importante?
  • Qu’est-ce que la race?
  • L’importance de la race blanche : la construction sociale de la blancheur
  • Les racismes et leur impact
  • L’idéologie raciale et l’identité raciale
  • Qu’est-ce que le racisme?
  • Impacts du racisme
  • Poursuivre votre voyage : prochaines étapes

Ils représentent des domaines clés qui sont essentiels pour comprendre la signification du racisme, son importance et sa persistance. Le plus souvent, au Canada, lorsque le racisme est mentionné, il est considéré comme une question individuelle ou une aberration, et non comme une composante à part entière de la création de l’État-nation canadien. Les thèmes/sujets abordés situent également tout le monde dans la conversation sur la race, le racisme et l’antiracisme en précisant que nous sommes tous « raciaux » — il ne s’agit pas seulement d’un élément des personnes typiquement identifiées comme « non-blanches ».

Quel est le public visé par ce cours et comment est-il adapté à ses besoins?

Le public visé est très général — ou vaste. Il comprend la communauté de l’Université du Manitoba, les prestataires de soins de santé (puisqu’il fera également partie des modules sur la sécurité culturelle des autochtones — voir ci-dessous) et les parties intéressées dans les établissements d’enseignement postsecondaire du pays.

Je comprends que les gens aient une compréhension variée des fondements de la race, du racisme et de la lutte contre le racisme. En tant que société, nos connaissances en matière de race laissent beaucoup à désirer. Ce cours a pour but d’encourager les gens à comprendre que l’antiracisme est un voyage et non une destination. Les participants ne seront pas des experts à l’issue de ces modules, loin de là. Je reconnais qu’ils abordent ce matériel d’après différents points de vue et qu’ils sont sur des chemins différents sur le plan personnel et au sein de leurs unités/programmes/collèges/organisations.

Certains de ces documents soulèvent des questions profondément enracinées. Certains peuvent susciter une réaction plus viscérale que d’autres, et l’un des défis des apprenants est de se demander pourquoi il en est ainsi. Chacun d’entre nous a son parcours personnel et le matériel de cours peut remettre en question les valeurs et les croyances qui nous sont chères. Le matériel présente un éventail d’idées, de théories et de preuves empiriques, dont certains ne seront pas familiers et sont susceptibles de mettre mal à l’aise.

Quels sont les résultats attendus des apprenants qui terminent ce cours?

Pour perturber et démanteler le racisme sous ses diverses formes, nous devons d’abord le comprendre. Ce cours permet aux apprenants d’élargir leur compréhension de la signification et de l’importance de la race et de la persistance du racisme. Il est impossible de parvenir à l’antiracisme sans prendre en compte le(s) racisme(s). Ce cours est donc l’occasion d’améliorer les connaissances raciales des apprenants en leur fournissant un vocabulaire qui leur permet de se reconnaître et de se parler au-delà de leurs différences, au service de la justice sociale.

Les gens peuvent ne pas se rendre compte de ce qu’ils ne savent pas — ce qui peut être désorientant et frustrant. Ils peuvent également devenir anxieux ou découragés lorsqu’ils se rendent compte de tout ce qu’ils ne savent pas. À la fin du cours, j’espère que les participants se sentiront un peu plus à l’aise pour relever les défis liés aux thèmes de la race, du racisme et de l’antiracisme. Les apprenants sont encouragés à franchir les différentes étapes de l’apprentissage afin qu’ils puissent ensuite offrir ce cadeau aux autres.

À la lumière des récents événements mondiaux que vous avez évoqués, comment le cours aborde-t-il les relations raciales et le racisme, en particulier au Canada?

Cela se fait de plusieurs manières : dès le début, un exercice intitulé « Que pensez-vous savoir? » aborde certains moments historiques importants de la construction de l’État-nation canadien. Cet exercice est approfondi à l’aide de cartes interactives historiques et contemporaines qui renvoient à une série d’événements historiques impliquant les Noirs, les autochtones et les minorités racialisées d’hier et d’aujourd’hui. L’histoire du racisme au Canada est également brièvement abordée, ainsi que les résultats des enquêtes de 2019 et 2021. L’Institut Environics de recherche par sondage a collaboré avec la Fondation canadienne des relations raciales à mener une enquête nationale. Cette enquête visait à combler le manque de preuves concernant les perceptions, les attitudes et les expériences du public en matière de relations raciales, du point de vue d’un éventail de Canadiens, afin d’établir une norme à partir de laquelle examiner les changements au fil du temps.

Les pandémies parallèles de covid-19 et de racisme systémique, ainsi que les diverses cibles de la violence raciale à travers le pays, sont abordées. Par exemple, au cours de cette période, des restes d’enfants autochtones ont été découverts sur les sites des anciens pensionnats. Le pays a également été le théâtre d’un certain nombre d’affrontements mortels entre la police et des personnes noires, autochtones et appartenant à des minorités racialisées, ainsi que d’une montée de l’antisémitisme avec le ciblage de synagogues, de centres culturels juifs et d’écoles, et d’une montée de l’islamophobie avec le ciblage de mosquées, l’assassinat délibéré de membres de la famille Afzaal à London (Ontario) et des actes de violence dirigés contre des femmes musulmanes noires hijabites en Alberta et dans le Manitoba.

Comment le cours facilite-t-il l’engagement et l’interaction de l’apprenant dans un environnement en ligne?

Le cours est asynchrone et autodirigé, et l’apprenant peut s’engager dans le contenu de différentes manières. Des vidéos, des cartes interactives (la liste des ressources comprend des balados), des graphiques, des scénarios et des moments de réflexion sont intégrés au cours.

Le cours s’adresse à tout le monde. Ainsi, outre les apprenants des professions médicales et de santé, les enseignants, les éducateurs, les professionnels et les praticiens (y compris le personnel administratif et autre), le cours convient aux facultés d’arts, de sciences, de droit, etc. Il en va de même pour tout type d’organisation.

Comment envisagez-vous l’impact de ce cours sur le débat plus large autour de la race et du racisme au Canada et dans le monde?

Ce cours est un mécanisme structurel nécessaire pour lutter contre les inégalités raciales; c’est un élément qui peut faciliter la transformation des cultures institutionnelles et organisationnelles.

J’espère que l’impact de ce cours sera multiple. Étant donné qu’il est impossible de se tenir à l’écart du racisme, j’espère que ce cours encouragera les gens à comprendre que nous avons tous un rôle à jouer dans les perturbations qu’entraînent toutes les formes de racisme. De même, j’espère qu’il incitera les participants à élaborer des stratégies sur leurs responsabilités dans la lutte contre le racisme.

J’espère que les participants développeront une analyse critique de l’importance continue de question de la race et des expressions contemporaines du (des) racisme(s) et de l’(des) antiracisme(s) au Canada.

J’espère que les gens reconnaîtront comment le passé historique façonne le présent racial et que le racisme est ancré dans nos structures.

J’espère que les gens considéreront l’antiracisme comme un voyage de toute une vie et qu’il les incitera à continuer à améliorer leurs connaissances raciales et leur engagement en faveur de la justice sociale.

Ce cours a le potentiel de créer une communauté et une solidarité et de faire progresser les mouvements pour l’équité en matière de santé et les mouvements connexes pour la justice sociale.

Il est certain qu’une nouvelle voie vers la justice raciale est difficile, mais possible si nous nous engageons à acquérir de nouvelles connaissances, à établir des relations, à changer de culture et à faire des changements structurels.

J’espère donc que les participants soutiendront les luttes en cours pour le changement social et la justice sociale, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’université.

Je dirai aussi que, tout comme ces moments comportent de profonds défis, ils représentent aussi des occasions favorables profondes pour soutenir le travail vers l’établissement d’un avenir socialement juste.

Existe-t-il des ressources ou des outils supplémentaires recommandés aux apprenants pour une meilleure compréhension des sujets?

Le module comporte un cahier d’exercices qui offre des ressources supplémentaires sur de nombreux sujets abordés. Il n’est pas exhaustif, mais sert de guide. Compte tenu de l’ampleur et de la profondeur des sujets abordés, nous n’avons pas voulu submerger les apprenants avec une liste intimidante, c’est pourquoi le cahier d’exercices se compose d’une liste gérable de documents divers (par exemple, des vidéos, des balados, des articles et des livres).

Est-il prévu de décliner ce cours en une série ou de proposer des sujets plus avancés liés à la race, au racisme et à la lutte contre le racisme?

Oui, en plus d’être un cours autonome, il fera partie à l’automne de l’un des modules de la série de formation à la sécurité culturelle autochtone qui sera lancée par l’Ongomiizwin-Institut autochtone pour la santé et la guérison (qui se trouve dans la Faculté Rady des sciences de la santé de l’Université du Manitoba), le 30 septembre, à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

En ce qui concerne les sujets plus avancés, il y aura un module qui s’appuiera sur certains des concepts clés présentés ici et un autre qui se concentrera sur l’intersectionnalité, dans la même veine que le concept d’antiracisme intégratif du Dr George Sefa Dei. Sefa Dei utilise le terme d’antiracisme intégratif pour souligner le fait que les expériences racistes des individus sont façonnées par les multiples éléments de leur identité, tels que le genre, la classe sociale, la sexualité, etc. Il est nécessaire de parler des intersections pour pouvoir comprendre et répondre de manière adéquate à la façon dont les différentes formes d’inégalités fonctionnent ensemble et s’aggravent mutuellement. Ce sera l’occasion de mieux comprendre le(s) racisme(s) systémique(s) ainsi que la nécessité de travailler avec la nature intégrative ou les dimensions de l’oppression. En parallèle, nous devons aussi être en mesure de cibler la spécificité des oppressions, telles que le racisme anti-Noirs et anti-Autochtones.

Quels ont été les défis les plus importants auxquels vous avez été confrontés lors de la conception de ce cours et comment les avez-vous relevés?

L’idée de créer des modules qui abordent les thèmes de la race, du racisme et de la lutte contre le racisme est née il y a plusieurs années. Tout d’abord, il existe de nombreux obstacles et défis importants qui surviennent lorsqu’on tente de faire avancer et de soutenir le travail de lutte contre le racisme et de justice sociale dans les établissements d’enseignement postsecondaire. Il s’agit notamment des ressources, de l’importance des thèmes liés à l’équité, à la diversité et à l’inclusion (EDI), et du manque de connaissances sur la signification et l’importance de la race et du racisme. La lutte contre le racisme manque en général de ressources — en termes de personnel, de programmes et de fonds. Le financement de ce module a été assuré par Ongomiizwin. La subvention provient du Programme canadien de lutte contre le racisme et la discrimination dans les systèmes de santé du Canada.

Un autre défi consistait à donner la priorité à la lutte contre le racisme. Nous sommes depuis longtemps dans une situation d’urgence en ce qui concerne la reconnaissance et le traitement des manifestations du racisme systémique.

Les pandémies parallèles de racisme systémique et de Covid 19 ont été une autre occasion de mettre à nu le besoin urgent de changement organisationnel et institutionnel, car nous avons été les témoins directs de la façon dont la race détermine qui vit et qui meurt. Les Noirs, les Autochtones et les minorités racialisées ont été touchés de manière disproportionnée par le virus au Canada et dans le monde entier.

Le manque de connaissances signifie également que le travail nécessaire pour perturber/éliminer les diverses barrières/relations sociales/attitudes/pratiques qui favorisent et/ou maintiennent l’inégalité raciale et les dommages causés par le racisme n’a pas été entrepris.

Un autre obstacle et défi rencontré concerne la prédominance du langage, des cadres et des stratégies de l’EDI. Nombreux sont ceux qui pensent que l’antiracisme et l’EDI sont interchangeables. Rien n’est plus faux. Pour dire les choses simplement, l’équité, la diversité et l’inclusion, qui ont remplacé l’équité en matière d’emploi, n’ont pas été conçues pour lutter contre le racisme, qu’il soit systémique ou autre. Le mot « racisme » ne fait pas partie de son vocabulaire. L’importance accordée à l’EDI a eu pour conséquence que d’autres vocabulaires, tels que la justice sociale et l’antiracisme, ne sont plus utilisés ou, du moins, ne sont plus au cœur des débats politiques. Ces termes ont une histoire complexe, liée à l’histoire de différents mouvements politiques.

Il a été difficile de déterminer quelles informations inclure. Commencer à explorer les fondements de la race, du racisme et de l’antiracisme comporte de nombreuses facettes importantes, c’est pourquoi il nous a fallu un certain temps pour développer un plan. Puis, une fois les sections remplies, nous avons su qu’il y avait énormément de matériel à traiter. On m’a d’abord dit que je devrais réduire mon texte de 2 000 mots — Ah! ah! ah! Bonne chance! Cependant, en discutant avec l’équipe de KnowledgeOne, nous avons tous convenu que ce ne serait pas possible, et nous avons donc changé de cap pour trouver des moyens de conserver ce qui existait et faire quelques ajustements pour respecter le plan de travail initial.

La question des outils d’évaluation a également constitué un défi. Ce cours n’a pas d’animateur; l’un des objectifs est de se concentrer sur l’élargissement des cadres de référence et des bases de connaissances des participants; les cartes historiques et contemporaines en sont un exemple.

Je suis également consciente des réactions émotionnelles que ce matériel suscite — en particulier le traumatisme et la douleur que représente le fait de revenir sur les préjudices passés et présents subis par les Noirs, les Autochtones et les minorités racialisées, en plus des nombreuses façons dont les gens résistent à l’idée de s’engager sur les thèmes de la race et du racisme. Je tenais à le reconnaître d’emblée, mais aussi à évoquer certaines des stratégies familières de déni et de détournement de l’attention.

Un autre défi et un autre obstacle est lié au climat actuel anti-théorie critique de la race (TCR) et anti-2SLBGTQIA+. Ce climat est présent dans tout le Canada, et pas seulement aux États-Unis. Des actions ont été entreprises pour que des livres soient interdits dans les écoles et les bibliothèques au Manitoba et dans d’autres régions du pays. En février de cette année, le Service canadien du renseignement de sécurité a émis un avertissement concernant les menaces continues et accrues de violence à l’encontre des communautés 2SLGBTQIA+ par des individus et/ou des groupes qui adhèrent à l’extrémisme violent, dont certains sont motivés par des considérations religieuses. Il a noté que le discours violent est exprimé par les nationalistes blancs, les néonazis et le Mouvement pour la liberté.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres institutions ou organisations désireuses de créer des offres de cours similaires?

La signification et l’importance de la race et du racisme sont largement connues. La seule raison pour laquelle nous parlons de la race est le problème omniprésent du racisme. Nous devons donc nous y attaquer. Le racisme est ce qui rend la race « palpable », et ce sont les conséquences matérielles sur les corps et les expériences vécues des gens qui importent. Le manque de connaissances signifie que le travail nécessaire pour perturber/éliminer les diverses barrières/relations sociales/attitudes/pratiques qui favorisent et/ou maintiennent l’inégalité raciale et les dégâts du racisme n’a pas été entrepris.

Nous nous trouvons dans une situation d’urgence depuis longtemps en ce qui concerne la reconnaissance et le traitement des manifestations du racisme systémique. La nécessité urgente d’un changement organisationnel et institutionnel a été mise en évidence lorsque nous avons vu comment la race détermine qui vit et qui meurt à travers les pandémies parallèles de racisme(s) systémique(s) et de covid-19. Tant que l’impact du (des) racisme(s) continuera d’être marginalisé/ignoré/nié, les relations interpersonnelles et sociales seront compromises, les talents seront perdus et les personnes noires, autochtones et appartenant à des minorités racialisées continueront de subir des traumatismes et des préjudices de toutes sortes, y compris la mort.

La profonde sous-représentation des Noirs, des Autochtones et des personnes appartenant à des minorités racialisées dans le corps professoral et les postes de direction ne fait pas qu’entretenir les hiérarchies raciales, mais les Noirs, les Autochtones et les personnes appartenant à des minorités racialisées qui y sont présents se retrouvent avec des charges et des responsabilités impossibles à gérer.

En conséquence, les décisions concernant la signification et l’importance de la race et du racisme sont en grande partie entre les mains de ceux qui ne sont pas les cibles… C’est l’une des façons dont le racisme systémique est normalisé, c’est-à-dire protégé et soutenu.

J’espère que nous pouvons être sensibles à ce lien ici et voir comment le racisme est systémique dans tout le pays et comment les Noirs, les Autochtones et les autres personnes de couleur (BIPOC) sont les cibles… et comment la violence passée perdure, et comment les traumatismes et les préjudices sont multigénérationnels.

Je recommanderais aux institutions qui s’engagent dans cette voie de rendre obligatoires, si possible, les modules qui traitent de la race et du racisme, de veiller à ce que les ressources — temps, argent et personnel — soient disponibles à long terme, et d’être transparentes, de mettre en place des mesures de responsabilité et de durabilité, afin que les gens comprennent l’engagement qui est nécessaire pour garantir la justice sociale.

Il est important de combiner les cours avec d’autres éléments structurels, tels que la mise à jour du matériel de bibliothèque, la création d’une politique antiraciste et l’inclusion de l’antiracisme dans les politiques existantes, la modification des programmes d’études, ainsi que la prise en compte de la sous-représentation des enseignants noirs, autochtones et issus de minorités raciales et la garantie que les postes de direction sont occupés par des Noirs, des Autochtones et des minorités raciales.

Dans une société organisée autour de hiérarchies raciales, sexuelles, de genre et de classe, les personnes vivront leur identité et leur expression de genre racialisées ainsi que leur orientation sexuelle de différentes manières.

Dans cette optique, il est également important que les institutions comprennent et abordent l’interconnexion des différents systèmes de domination : la suprématie blanche, l’hétéropatriarcat et les projets coloniaux.

Il est impératif que ce travail bénéficie du soutien de la haute direction et que l’urgence et la nécessité de ce travail soient communiquées de manière cohérente au sein de l’institution et/ou de l’organisation.

Pour ceux qui sont engagés dans ce travail, cela devrait être leur domaine d’expertise. En outre, il devrait y avoir une reconnaissance et une compensation — par exemple, dans le cadre de l’évaluation des performances, des congés, de la titularisation et de la promotion, et d’un paiement financier.

Il s’agit d’un sujet extrêmement vaste — il est donc impératif que les stratégies institutionnelles soient élaborées en gardant cette compréhension à l’esprit afin de dissuader les participants de croire que le fait d’avoir suivi un ou plusieurs modules signifie qu’ils sont désormais des experts en la matière. Il s’agit d’un point de départ — l’antiracisme est un voyage, un voyage de toute une vie et non une destination.

Remarques finales : Où en sommes-nous aujourd’hui?

L’excellence s’épanouit dans un environnement qui englobe le plus grand nombre de personnes et reflète les communautés locales. Si nous voulons l’équité, nous devons nous attaquer au racisme.

Le changement organisationnel implique certainement des conversations inconfortables entre les pouvoirs en place, mais il implique aussi des actions spécifiques.

Nos avenirs sont liés. C’est pourquoi nous devons nous lever ensemble. Le potentiel de la solidarité stratégique contre l’oppression systémique peut être transformateur. Nous parlons de questions de vie et de mort — j’encourage donc les gens à se lever. Se montrer. Écouter. Comme l’a déclaré l’archevêque Desmond Tutu : « Si vous restez neutre dans les situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur. » Je terminerai par une question : de quel côté êtes-vous?

Si vous souhaitez poursuivre la conversation et obtenir plus de détails sur le cours, vous pouvez envoyer un courriel à radyantiracism@umanitoba.ca

Delia Douglas

Dre. Delia D. Douglas

Directrice du Bureau de lutte contre le racisme à la Faculté des sciences de la santé Rady de l’Université du Manitoba

Dre. Delia D. Douglas est titulaire d’un doctorat en sociologie de l’Université de Californie, Santa Cruz, et d’une maîtrise en études sportives de l’Université de Miami (Oxford, OH). Elle est directrice du Bureau de lutte contre le racisme à la Faculté des sciences de la santé Rady de l’Université du Manitoba. Elle est également professeure adjointe au département de sociologie et de criminologie de l’Université du Manitoba.

La Dre Douglas est membre du conseil d’administration du Black Health Education Collaborative, une organisation nationale de chercheurs et de praticiens qui s’engagent à améliorer la santé des Noirs par le biais de l’éducation et de la recherche.

Ses travaux interdisciplinaires s’appuient sur des études critiques sur la race et le genre, des études sur la diaspora noire, des études postcoloniales et des études sur le sport. Elle est attentive à l’importance persistante des héritages de l’esclavage, de l’impérialisme et du colonialisme de peuplement.

Elle a enseigné à l’Institut pour le genre, la race, la sexualité et la justice sociale de l’Université de Colombie-Britannique, à l’Université Simon Fraser, à l’Université du Manitoba et dans des universités américaines. Certains de ses écrits ont été publiés dans le Journal of Black Studies, Gender, Place and Culture (Revue d’études noires, genre, lieu et culture), le Journal of Critical Race Inquiry (Revue d’enquête critique sur la race), Callaloo, le Journal de l’Association médicale canadienne et le Journal of Sport and Social Issues (Revue du sport et des questions sociales). L’expertise de la Dre Douglas en matière de race, de genre et de sport est reconnue au niveau international, et elle a été invitée à s’exprimer aux Nations unies à Genève.