Savez-vous ce qu’est un biais cognitif? Connaissez-vous ceux qui peuvent s’immiscer dans la relation enseignant-apprenant et avoir des effets non négligeables sur l’apprentissage? Avez-vous une idée des moyens qui peuvent aider un enseignant à s’en prémunir? Testez vos connaissances en répondant aux cinq questions suivantes.

1. Vrai ou faux? Les biais cognitifs sont des raccourcis de l’esprit qui permettent au cerveau de simplifier le traitement de l’information. 

RÉPONSE

VRAI

Les biais cognitifs correspondent en effet des distorsions perceptives dont on pourrait dire qu’ils sont à notre mental ce que les illusions d’optique sont à notre système visuel. Ils nous incitent au quotidien à porter des jugements erronés ou à prendre de mauvaises décisions. Ils sont inévitables, mais on peut apprendre à mieux les détecter, en commençant par en avoir une meilleure connaissance.

On en dénombre à ce jour quelque 250, parmi lesquels certains sont plus susceptibles de s’immiscer dans la relation enseignant-apprenant et d’avoir des effets non négligeables sur l’apprentissage.

Pour en savoir plus :

2. « L’effet Pygmalion » a été mis en lumière dans les années 1960 par le psychologue Robert Rosenthal et la directrice d’école Lenore Jacobson. Il s’agit de l’un des biais cognitifs à prendre au sérieux en éducation. Son nom fait référence à cette légende de la mythologie grecque selon laquelle le roi-sculpteur Pygmalion est tombé amoureux de Galatée, sa création, une statue vivante. Laquelle des affirmations suivantes sur ce biais cognitif est incorrecte?

A) Cet effet se manifeste lorsque le simple fait de montrer à quelqu’un que l’on croit en ses chances de réussir influence ses performances, en particulier si on est en position d’autorité ou d’influence par rapport à cette personne.

B) En psychologie sociale, il correspond au phénomène de « prophétie autoréalisatrice », qui se manifeste lorsqu’une croyance erronée entraîne sa propre réalisation.

C) L’un des mécanismes clés de la réalisation de l’effet Pygmalion est l’intériorisation, que l’on nomme aussi processus d’internalisation, chez l’apprenant de la perception que lui renvoie l’enseignant de ses capacités de réussir. 

D) L’un des moyens de contrecarrer ses effets négatifs en éducation est d’inciter les enseignants à avoir de faibles attentes envers leurs étudiants.

RÉPONSE

D.

On qualifie parfois l’effet inverse de l’effet Pygmalion d’effet Golem, qui survient donc lorsqu’une personne en position d’autorité juge les capacités de réussir d’un individu limitées et que ce dernier performe en conséquence moins bien. En psychologie sociale, l’effet Pygmalion et l’effet Golem correspondent au phénomène de « prophétie autoréalisatrice », qui se manifeste lorsqu’une croyance erronée entraîne sa propre réalisation.

Contrecarrer l’effet Pygmalion — ou l’effet Golem, pour ceux qui l’appellent ainsi — dans la relation enseignant-apprenant n’est pas simple (voir Biais cognitifs en éducation : l’effet Pygmalion). Le moyen d’y parvenir selon le chercheur en psychologie du développement et neuroscientifique Olivier Houdé est de développer sa « résistance cognitive » ou « d’apprendre à penser contre soi » (voir Les 3 vitesses de la pensée). Trouilloud et Sarrazin suggèrent pour leur part d’« inciter l’enseignant à avoir des attentes élevées pour ses élèves », en évoquant l’étude de Madon et ses collègues qui ont observé que l’impact positif d’attentes élevées semble surpasser l’impact négatif d’attentes faibles de la part des enseignants envers leurs apprenants. Selon leur synthèse, Trouilloud et Sarrazin notent que les attentes élevées participent de quatre façons à optimiser la réussite des apprenants, puisque les enseignants sont plus enclins à :

  1. Créer un climat affectif plus chaleureux.
  2. Fournir plus d’informations sur les performances réalisées.
  3. Donner davantage de contenu et des contenus plus difficiles à apprendre.
  4. Donner plus d’opportunités aux apprenants de répondre aux questions et d’en poser.

Pour en savoir plus :

3. Un autre biais cognitif dont il faut se méfier en classe est celui de « l’angle mort de polarisation ». Son appellation évoque ce biais visuel que nous avons tous : une zone de notre rétine étant dépourvue de photorécepteurs, donc aveugle, c’est notre cerveau qui complète la portion visuelle manquante. Complétez l’affirmation suivante pour qu’elle soit juste :

En contexte d’éducation, le biais de l’angle mort de polarisation peut faire en sorte qu’un enseignant…

A) ne considère que les interventions de ses étudiants qui sont dans son champ de vision immédiat.

B) influence de façon polarisante les débats entre ses étudiants.

C) adopte à l’égard des apprenants un comportement allant dans le sens de certaines idées reçues qu’il ou elle sait pourtant erronées et qu’il ou elle n’appliquerait pas à sa propre personne.

D) Aucune de ces réponses.

RÉPONSE

C.

Le biais de l’angle mort de polarisation consiste à remarquer l’impact des biais cognitifs bien mieux sur le jugement d’autrui que sur le sien. En réalité, nous sommes tous aussi susceptibles de nous faire berner par des biais cognitifs…

L’un des phénomènes à l’origine de ce biais serait la grande valeur que l’on accorde, en général, à l’information provenant de l’introspection (Pronin et Kugler, 2007). Cela fait en sorte que lorsqu’on évalue nos propres perceptions, on tend à accorder plus de crédit aux informations qui proviennent de nos pensées que de nos actions, alors qu’on fait le contraire lorsqu’on juge les autres, en donnant davantage d’importance à leurs gestes qu’à leurs pensées, et ce, même si on connaît ces dernières.

En contexte d’éducation, le biais de l’angle mort de polarisation peut donc faire en sorte qu’un enseignant adopte à l’égard des apprenants un comportement allant dans le sens de certaines idées reçues qu’il ou elle sait pourtant erronées et qu’il ou elle n’appliquerait pas à sa propre personne. On peut, par exemple, penser à ces stéréotypes voulant que le sexe masculin soit plus doué pour certains types d’apprentissages (mathématiques, sciences, sports, etc.) et le sexe féminin pour d’autres (lecture, écriture, sciences humaines, etc.); ou encore à ceux voulant que les personnes de certaines origines soient « naturellement » plus fortes dans certaines matières, par exemple, les Asiatiques en mathématiques et en sciences.

Pour en savoir plus : 3 biais cognitifs à connaître en éducation

4. « L’effet de halo » se manifeste lorsqu’on se construit une impression générale d’une personne à partir d’une seule caractéristique que l’on perçoit chez elle. Ce biais cognitif a non seulement une incidence sur notre perception de l’autre, mais aussi sur nos attentes à son endroit. Quelle(s) solution(s) s’offre(nt) aux enseignants pour réduire les risques que l’effet de halo influence leur façon d’interagir avec leurs étudiants ou biaise leur évaluation de leurs performances?

A) Privilégier les corrections à l’aveugle en demandant aux apprenants d’identifier leurs travaux et examens par leur numéro de matricule plutôt que par leur nom.

B) Privilégier les présentations orales devant la classe.

C) Demander que les travaux soient présentés de manière personnalisée.

D) Demander que les travaux soient présentés de manière uniforme, à moins que la présentation ne fasse l’objet d’une évaluation.

RÉPONSE

A. et D.

Ces solutions peuvent réduire les risques que l’enseignant soit victime de l’effet de halo et ainsi favoriser l’égalité des chances de réussites chez les apprenants. Corriger les travaux et examens implique forcément d’émettre un jugement sur les performances des apprenants (Durand et Chouinard, 2012) et tout jugement est malheureusement susceptible d’être biaisé (voir Les 3 vitesses de la pensée).

Aussi connu comme « l’effet de notoriété » et « l’effet de contamination », l’effet de halo se manifeste tel que décrit précédemment lorsqu’on se construit une impression générale d’une personne à partir d’une seule caractéristique que l’on perçoit chez elle. Si l’on juge cette caractéristique comme étant positive, on aura tendance à percevoir ou à imaginer ses autres caractéristiques comme étant également plus positives; et, au contraire, si l’on évalue cette caractéristique comme étant négative, on sera alors plus enclin à imaginer ou percevoir ses autres caractéristiques comme étant aussi plus négatives.

Un exemple classique de cet effet de halo : la beauté. Une étude américaine menée dans les années 1970 auprès d’enseignants du primaire a donné des résultats parlants à ce propos (Clifford et Walster, 1973). Ces enseignants se voyaient présenter des photos d’enfants à partir desquels ils devaient se prononcer sur les trois aspects suivants : leur intelligence, leurs chances de réussir et l’importance de l’implication de leurs parents dans leurs activités scolaires. Il en est ressorti qu’un enfant jugé « beau » par les enseignants était présumé plus intelligent, plus susceptible de réussir en classe et ayant des parents plus impliqués dans ses activités scolaires qu’un enfant jugé moins beau.

Pour en savoir plus : 3 biais cognitifs à connaître en éducation

5. « La malédiction de la connaissance » n’est pas un biais cognitif très sorcier à comprendre ni à reconnaître… Du moins, chez les autres! Ce biais se manifeste par la difficulté, lorsqu’on a acquis des connaissances particulières, de se mettre à la place d’une personne qui n’a pas ce savoir. Lesquels des facteurs suivants peuvent fragiliser encore davantage la vigilance du « maître » face à ce biais?

A) Le fait que les étudiants soient plus jeunes.

B) Le fait que les étudiants soient plus âgés.

C) Le fait que les étudiants aient un niveau de scolarité supérieur ou qu’ils étudient dans un domaine très spécialisé.

D) Le fait que les étudiants aient un faible niveau de scolarité et qu’ils étudient les bases d’une matière scolaire.

RÉPONSE

B. et C.

Même si les enseignants sont formés pour développer leurs compétences en vulgarisation, l’acte d’enseigner multiplie inévitablement les risques de tomber dans le piège de la malédiction de la connaissance.

Certains facteurs peuvent fragiliser encore davantage la vigilance du « maître » face à ce biais; par exemple, le fait que les étudiants soient plus âgés, qu’ils aient un niveau de scolarité supérieur ou qu’ils étudient dans un domaine très spécialisé peut inciter l’enseignant à faire moins d’efforts de vulgarisation qu’il serait en réalité souhaitable. Dans un tel contexte, certains apprenants peuvent avoir l’impression qu’ils n’ont pas ce qu’il faut pour comprendre la matière ou même pour faire carrière dans ce domaine qui aurait pu les intéresser, mais qui leur paraît désormais hermétique et hors de portée. Vu les effets malheureux que peut avoir ce biais cognitif sur le parcours des apprenants, tout enseignant doit être conscient qu’il peut, malgré sa formation de vulgarisateur, être lui aussi en proie à cette malédiction de la connaissance… Le savoir est un premier pas pour conjurer le mauvais sort!

Pour en savoir plus : 3 biais cognitifs à connaître en éducation

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Stratège en communication et Rédactrice en chef @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative

Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.