Considérée comme l’un des éléments les plus importants pour la réussite en apprentissage, la motivation est un phénomène particulièrement complexe. Au fil des décennies, le domaine de l’éducation a toutefois pu s’appuyer sur une abondante littérature sur le sujet afin d’améliorer ses approches pédagogiques et andragogiques. Plus récemment, ce sont les neurosciences qui ont offert de nouvelles clés de compréhension du phénomène à partir de l’observation de ses mécanismes dans le cerveau. Inspiré en partie de la synthèse proposée par le professeur et chercheur en neuroéducation Steve Masson, voici sous forme de jeu-questionnaire quelques découvertes qui changeront sans doute votre perception de la motivation dans l’apprentissage.

1. Vrai ou faux? La motivation est une condition préalable à la réussite.

RÉPONSE

Vous connaîtrez la réponse à la fin du jeu-questionnaire! 😉

2. Laquelle des affirmations suivantes sur la notion d’effort est incorrecte?

A) Avant de fournir un effort, le cerveau procède à une évaluation coûts-bénéfices.

B) Dans le cerveau, l’effort se traduit par une activation du cortex préfrontal.

C) La notion d’effort n’est pas centrale dans la définition de la motivation.

RÉPONSE

C.

La motivation est un phénomène complexe et difficile à définir, entre autres, parce qu’elle met en jeu plusieurs facteurs que nous avons tous en commun en tant qu’êtres humains (facteurs physiologiques, psychologiques, environnementaux, etc.), mais aussi des facteurs individuels. Une majorité de chercheurs s’accordent toutefois pour la définir comme « la volonté d’agir pour atteindre un but, malgré les efforts requis ». La notion d’effort est donc centrale dans la définition de la motivation, puisque si l’on peut atteindre un but sans effort, il n’est alors pas nécessaire d’être motivé.

Dans le cerveau, l’effort se traduit par l’activation du cortex préfrontal, le « centre du contrôle » responsable des fonctions cognitives supérieures comprenant notamment la capacité à analyser l’information ainsi qu’à repérer ses erreurs et à les corriger. On peut dire du cerveau qu’il comporte deux grands systèmes, logés dans le cortex préfrontal : un système d’effort et l’autre de récompense. Avant de fournir un effort, le cerveau procède à une évaluation des coûts (efforts) et des bénéfices (amélioration, réussite, etc. – ce qui se manifeste par un sentiment de plaisir et de satisfaction, une récompense engendrée par un relâchement de dopamine).

3. Lequel des facteurs suivants influence de façon importante l’évaluation coûts-bénéfices à laquelle procède le cerveau?

A) Notre croyance personnelle en notre capacité de s’améliorer.

B) La croyance d’autrui en notre capacité de s’améliorer.

C) Notre âge.

RÉPONSE

A.

Même s’il est vrai que la croyance d’autrui en notre capacité de s’améliorer peut nous influencer (voir Biais cognitifs en éducation : l’effet Pygmalion), l’un des facteurs les plus importants dans l’évaluation coûts-bénéfices à laquelle procède notre cerveau est notre propre croyance en notre capacité de s’améliorer. Plusieurs notions équivalentes existent pour définir ce facteur, dont le sentiment d’efficacité personnelle (fort ou faible), que l’on doit à Albert Bandura et dont il a été question dans nos articles, ainsi que l’état d’esprit (dynamique ou fixe) qui découle du terme anglophone mindset, que l’on doit à Carol S. Dweck et qui est le plus couramment utilisé dans les recherches sur la motivation en apprentissage. Le fait de croire en sa capacité de s’améliorer dans une activité donnée est associé à un fort sentiment d’efficacité personnelle dans cette activité ou encore à un état d’esprit qualifié de « dynamique ». Au contraire, douter de sa capacité à s’améliorer dans une activité donnée est associé à un faible sentiment d’efficacité personnelle dans cette activité ou encore à un état d’esprit dit « fixe ».

La bonne nouvelle c’est que le sentiment d’efficacité personnelle/état d’esprit est relativement flexible, autrement dit, il est possible de le modifier, de croire que l’on peut changer et donc s’améliorer — ce qui se manifeste dans le cerveau par l’activation des mécanismes du cortex préfrontal. L’expérience vécue, soit le fait de vivre des expériences de maîtrise et de succès dans une activité donnée, est la plus influente des quatre sources identifiées par Bandura pour renforcer le sentiment d’efficacité personnelle. Des recherches sur l’état d’esprit indiquent pour leur part qu’il est possible de passer d’un état d’esprit fixe à un état d’esprit dynamique assez rapidement, et qu’un état d’esprit dynamique est associé à une plus grande mobilisation des mécanismes d’efforts, de détection et de correction d’erreurs ainsi qu’à une meilleure performance après correction d’erreurs qu’un état d’esprit fixe (Schroder et al., 2014; Moser et al., 2011).

Pour en savoir plus :

4. Vrai ou faux? Expliquer aux apprenants que les connexions du cerveau se modifient lors d’un apprentissage est un moyen de stimuler chez eux l’émergence d’un état d’esprit dynamique.

RÉPONSE

VRAI

Une étude a en effet conclu que le fait de connaître la plasticité cérébrale (ou neuroplasticité), cette capacité qu’a le cerveau de se modifier lors des apprentissages et donc de s’améliorer, favorise l’émergence d’un état d’esprit dynamique et stimule les mécanismes d’attention et de correction d’erreurs (Schroder et al., 2014). L’étude en question a été menée auprès de deux groupes d’apprenants dont l’un devait lire un texte présentant la plasticité cérébrale — que l’on présumait mettre de l’avant un état d’esprit dynamique —, alors que l’autre avait comme lecture un texte informatif sur la mémoire n’évoquant d’aucune façon la capacité de cerveau à s’améliorer. À la suite de cette lecture, les participants se soumettaient à un exercice d’analyse et de correction au cours duquel leur activation cérébrale était mesurée. Une augmentation significative de celle-ci a été notée chez les apprenants ayant lu le texte sur la plasticité cérébrale. L’écart entre l’activation cérébrale notée chez les deux groupes correspondait à celui entre un esprit considéré comme dynamique par rapport à un esprit dit « fixe ».

Pour en savoir plus :

5. Avec quel(s) type(s) de rétroaction(s) un enseignant peut-il favoriser l’émergence d’un état d’esprit dynamique chez ses apprenants?

A) En attribuant la réussite au talent.

B) En attribuant uniquement la réussite à l’effort.

C) En attribuant la réussite à un processus.

D) En privilégiant les rétroactions négatives (corriger les erreurs) et en évitant les rétroactions positives (souligner les réussites).

RÉPONSE

C.

Pour favoriser l’émergence d’un état d’esprit dynamique chez ses apprenants, un enseignant doit en effet formuler des rétroactions conséquentes avec l’idée que tous sont en mesure de s’améliorer, le cerveau étant doté de plasticité. Le type de rétroaction le plus porteur est celui qui présente la réussite comme un processus impliquant à la fois des efforts et des stratégies d’étude efficaces, deux facteurs sur lesquels l’apprenant peut avoir un contrôle. Notons que les neurosciences ont d’ailleurs permis de mettre au jour un processus composé de quatre étapes  nécessaires au cerveau pour réussir un apprentissage.

Pour éviter de favoriser un état d’esprit plus fixe chez les apprenants, il est préférable de s’abstenir d’attribuer le succès et l’échec strictement au talent ou même à l’effort. Si l’on peut avoir un certain talent dans une discipline, la maîtrise ne vient jamais sans effort; et si l’on veut comme enseignant encourager chez ses apprenants l’exploration de l’éventail de leurs potentiels, il faut éviter qu’ils jettent l’éponge en début de parcours en attribuant leurs embuches à un facteur sur lequel ils n’auraient aucune prise. Pour ce qui est de l’effort, il importe de garder en tête qu’un apprenant peut essuyer un échec en raison de stratégies d’études inefficaces; et s’il a déployé des efforts importants, attribuer son échec à un manque d’efforts sera démotivant et ne l’aidera aucunement à déterminer la réelle source du problème.

Recevoir de la rétroaction, positive comme négative, active le système de récompense et déclenche une libération de dopamine dans le cerveau (Wilkinson et al., 2014). Si les rétroactions dites « négatives » — celles qui visent à corriger — sont essentielles, les rétroactions positives — qui consistent à souligner les réussites — ne doivent absolument pas être négligées. On a en effet découvert que ce sont ces dernières qui entraînent la plus grande activation du striatum, cette petite structure nerveuse située sous le cortex qui fait partie intégrante du système de récompense dans le cerveau et qui libère notamment de la dopamine (DePasque et Tricomi, 2014). Plus un apprenant réussit, plus son système de récompense s’active et libère de la dopamine, et le sentiment de plaisir et de satisfaction qui en découle a comme effet de renforcer le comportement en question. La rétroaction a donc non seulement un rôle informatif, mais également motivationnel. Cette même étude a aussi observé que le système de récompense s’active encore davantage lorsque le défi relevé est perçu comme étant plus difficile (sans être trop ardu) plutôt que trop facile. Notons que le lien entre une meilleure performance et une tâche plus challengeante — restant dans les limites de compétences de l’individu qui l’accomplit — a été démontré par de très nombreuses études empiriques (Locke et Latham, 2002; Latham, 2007; Latham et Locke, 2007).

6. Sélectionnez le bon terme pour compléter chacune des affirmations suivantes décrivant ce qui découle du fait de cultiver un état d’esprit dynamique.

Termes : cette association, la motivation, le déploiement d’efforts, ses chances

A) On augmente ________ de réussir.

B) Les systèmes d’effort (y compris de correction d’erreurs) et de récompense tendent à s’interconnecter. Autrement dit, plus les efforts ont mené à une réussite et plus ________ se renforce dans le cerveau.

C) L’analyse coûts-bénéfices tend à susciter à nouveau ________.

D) À plus long terme, cela favorise l’émergence d’un cercle vertueux de ________.

RÉPONSE

Les affirmations correctes complètes sont les suivantes :

A) On augmente ses chances de réussir.

B) Les systèmes d’effort (y compris de correction d’erreurs) et de récompense tendent à s’interconnecter. Autrement dit, plus les efforts ont mené à une réussite et plus cette association se renforce dans le cerveau.

C) L’analyse coûts-bénéfices tend à susciter à nouveau le déploiement d’efforts.

D) À long terme, cela favorise l’émergence d’un cercle vertueux de la motivation.

RÉPONSE À LA QUESTION 1

Bien qu’il soit admis que dans toute démarche d’apprentissage la motivation et la réussite sont étroitement liées, on présente en général la seconde comme étant tributaire de la première. Or, certaines études, dont celle de Garon-Carrier et al. (2016), vont dans le sens du processus décrit dans ce jeu-questionnaire selon lequel la réussite apparaît comme une condition préalable à la motivation. Ce constat souligne, entre autres, l’importance de s’assurer comme enseignant que ses apprenants connaissent et utilisent des stratégies d’apprentissage efficaces afin de maximiser leurs chances de réussite et de stimuler ainsi leur motivation.

Dans tous les cas, il est profitable de favoriser l’émergence d’un état d’esprit dynamique chez ses apprenants en mettant de l’avant que tous peuvent s’améliorer, parce que leur cerveau est doté de plasticité et que l’apprentissage est un processus sur lequel ils peuvent agir. Il est aussi important que les apprentissages proposés, sans être trop ardus, comportent un certain défi, et de s’assurer de donner régulièrement de la rétroaction non seulement pour corriger les erreurs, mais aussi pour souligner les réussites.

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Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Stratège en communication et Rédactrice en chef @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative

Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.