Nécessaire à nos apprentissages, notre capacité d’attention est aussi essentielle à l’accomplissement de nos tâches de tous les jours. Pour préserver et cultiver cette précieuse faculté particulièrement fragilisée en cette ère du numérique, il importe de mieux connaitre ses mécanismes et de pouvoir ainsi identifier les facteurs sur lesquels on peut agir et ceux pour lesquels il vaut mieux lâcher prise. Voici cinq points surprenants sur l’attention qui vous aideront à mieux la saisir!

Une sensation, trois réseaux

Bien qu’elle soit perçue comme une sensation unique, l’attention résulte de l’intervention de plusieurs mécanismes des régions corticales et sous-corticales, allant du lobe pariétal (à l’arrière du cerveau) au lobe frontal (à l’avant). Alors que plusieurs modèles explicatifs ont été proposés pour décrire les mécanismes qui la sous-tendent, celui qui sert toujours de référence est le modèle proposé en 1990 par Michael Posner auquel quelques ajustements ont depuis été apportés grâce aux avancées en neuroimagerie. Les propositions d’autres chercheurs ont permis de compléter celle de Posner, nous éclairant notamment sur les sous-types d’attention. Selon le modèle de Posner, l’attention se déploie en trois réseaux distincts sur le plan physiologique et fonctionnel, mais interreliés : l’alerte, l’orientation et le contrôle exécutif. Le réseau d’alerte nous signale « quand porter attention »; le réseau d’orientation nous indique « sur quoi » prêter attention; alors que le réseau du contrôle exécutif nous indique « comment traiter les informations ». Travailler à améliorer son attention exécutive est l’une des clés d’un meilleur apprentissage, tant chez l’enfant que chez l’adulte.

La distraction : partie intégrante du système attentionnel

Un peu comme l’oubli est essentiel au bon fonctionnement de la mémoire, la distraction « normale » (non aggravée par un problème de santé ou autre) n’est pas en soi un défaut de fonctionnement du système attentionnel; elle en fait plutôt partie intégrante, et sans elle, nous serions sérieusement désavantagés sur le plan comportemental. C’est qu’en tant que mécanisme de sélection, l’attention implique que nous nous rendions indisponibles pour un temps donné aux informations ou activités autres que celle « choisie » — utilisons ici les guillemets, puisque cette sélection, qui survient plusieurs fois par seconde, est le plus souvent inconsciente. Or, cet état de « stabilité » ne peut durer trop longtemps, au risque que nous passions à côté d’opportunités plus avantageuses… c’est ce qu’Aston-Jones et Cohen (2005) ont été les premiers à avancer en appliquant au processus de prise de décision du cerveau le dilemme d’exploitation-exploration. Ce dilemme explique que la stabilité, soit le fait d’être « bloqué » à un endroit, peut avoir un coût. Dans cette perspective, il serait donc normal qu’au bout d’un moment à fixer son attention sur un élément, on commence à ressentir toutes sortes de petits signaux d’alarme qui nous incitent à porter notre attention ailleurs.

Quand le stress aiguise l’attention et la mémoire

Les zones cérébrales où logent le plus de récepteurs d’hormones du stress sont l’hippocampe, l’amygdale et le cortex préfrontal, trois régions interconnectées impliquées dans le développement de nouvelles mémoires. Et l’un des effets du cortisol est précisément d’aiguiser notre acuité à mémoriser les informations qui, en situation de stress, sont utiles à notre survie, afin que nous soyons avertis et mieux outillés advenant une expérience similaire. Cela dit, des hormones de stress sont aussi sécrétées lorsque nous vivons des moments marquants… heureux. En fait, les événements qui déclenchent en nous des émotions fortes, positives ou négatives, ont le pouvoir de capter davantage notre attention et sont mieux mémorisés. C’est ce qui explique que nous nous souvenons en détail du contexte dans lequel nous nous trouvions par exemple le 11 septembre 2001, un phénomène qui porte le nom de « souvenir flash » (ou flashbulb memory en anglais), et qui relève de notre mémoire autobiographique.

La cécité attentionnelle

En 1999, les psychologues Daniel Simons et Christopher Chabris ont réalisé à l’Université Harvard une désormais célèbre expérience. Nous nous garderons de décrire la vidéo du test, au cas où vous ayez envie de vous y soumettre. Ce test d’attention sélective permet de constater de manière flagrante que malgré notre impression d’être attentif à tout ce qui se déroule dans notre environnement immédiat, bien des choses — même évidentes! — sont susceptibles de nous échapper. Ce phénomène qui porte le nom de « cécité attentionnelle » s’explique par le fait que notre attention exécutive, qui agit comme un goulot d’étranglement, est limitée (Dehaene, 2014b). Ainsi, lorsqu’une tâche accapare notre attention, les stimuli environnants qui sont non-pertinents peuvent être traités de deux façons; ils peuvent soit rester visibles, mais sont alors traités en différé, ou devenir « invisibles ».

Plus concentré, moins fatigué

Le fait d’être absorbé dans une tâche sans que notre attention soit « divisée » ou que notre esprit s’évade constamment n’est pas en soi source de fatigue, au contraire. « En étant totalement impliqué dans ce qu’on fait, sans chercher à faire plusieurs choses en même temps, on réduit également les conflits dans le cerveau : il n’y a plus de doute sur ce qui est important et sur ce qui ne l’est pas. […] Il n’y a pas d’interférence négative entre des régions cérébrales impliquées dans des processus cognitifs qui se contredisent. Il s’ensuit donc un sentiment d’apaisement : ce que l’on appelle couramment la surcharge mentale diminue », explique le chercheur en neurosciences cognitives et spécialiste de l’attention Jean-Philippe Lachaux. On peut ici faire un lien entre cet état d’implication et l’état de flow (ou « flux » en français), soit « un état psychologique de profond bien-être, de concentration et de motivation intenses, qui est atteint lorsqu’une activité constitue un défi perçu comme étant égal ou légèrement supérieur aux habiletés que l’on possède ».

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Stratège en communication et Rédactrice en chef @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative

Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.