C’est l’une des tendances les plus excitantes en technologie de l’apprentissage. Grâce aux avancées de l’intelligence artificielle (IA), à la recherche sur les hypermédias adaptatifs et à l’essor des mégadonnées, la formation personnalisée passe en deuxième vitesse avec l’apprentissage adaptatif. Cette avenue nouvelle vise à générer en temps réel pour chaque apprenant le parcours d’apprentissage le plus à même de lui permettre d’atteindre ses objectifs. Pleins feux sur une approche qui promet!

Du tuteur…

L’apprentissage personnalisé a pris plusieurs formes au fil du temps : des cours particuliers, dont les premières traces remontent au XIXe siècle, aux tests adaptatifs informatisés en passant par la pédagogie différenciée. Ce n’est donc pas d’hier qu’on reconnaît les bénéfices d’un enseignement sur mesure par rapport à un enseignement qui s’adresse à tous de manière indifférenciée. Dans les années 1980, Benjamin Bloom — à qui l’on doit le célèbre modèle pédagogique qu’est la « taxonomie de Bloom » — avait remarqué que les apprenants qui recevaient des cours particuliers (seul avec un tuteur) se montraient plus positifs et obtenaient des résultats supérieurs aux examens, en étudiant de surcroît sur de moins longues périodes (Bloom, 1984).

Sur le fond, la formation personnalisée « de première génération » visait principalement à déterminer quelles connaissances l’apprenant devait assimiler. L’apprentissage adaptatif d’aujourd’hui a plutôt pour but d’aider l’apprenant à atteindre ses objectifs en canalisant ses efforts sur les points pour lesquels il présente des faiblesses. Sur la forme, dans sa version la plus moderne, cet apprentissage personnalisé de seconde génération est inextricablement lié aux technologies informatisées. Il y recourt non seulement pour transmettre les contenus et évaluer les apprentissages de l’apprenant, mais aussi pour les adapter à lui en fonction de ses buts. Cette version high-tech peut tenir compte des connaissances de l’apprenant, de ses préférences, de même que de ses performances et de sa façon d’interagir avec le système. Cette formation personnalisée convient par ailleurs à un large éventail de situations d’apprentissage, en milieu académique comme professionnel.

 … aux systèmes adaptatifs et intelligents

 Avant d’aller plus loin, précisons que la nomenclature entourant l’apprentissage adaptatif peut porter à confusion. C’est que cette approche repose sur des principes utilisés depuis longtemps, mais dont les canaux de diffusion se sont multipliés et raffinés sur le plan technologique ces dernières années. Par conséquent, ceux qui évoquent aujourd’hui le concept d’apprentissage adaptatif ne parlent pas toujours de la même réalité. Pour éviter de nous perdre, mais surtout pour garder le cap sur la variante ayant le plus d’avenir, tenons-nous-en à celle qui s’incarne dans des « systèmes d’apprentissage adaptatifs et intelligents basés sur le web », comme la définissent Peter Brusilovsky, un pionnier dans le domaine de l’apprentissage adaptatif, et Christoph Peylo dans Adaptative and Intelligent Web-based Educational Systems.

Ces systèmes comprennent les « systèmes d’apprentissage adaptatifs basés sur le web » et les « systèmes d’apprentissage intelligents basés sur le web ». Dans le premier cas, il s’agit de systèmes qui « tentent d’être différents en fonction des différences qui caractérisent les apprenants ou les groupes d’apprenants entre eux, en tenant compte d’information accumulée dans le modèle apprenant, individuel ou de groupe » [traduction libre]. Dans le second cas, il est question de systèmes qui appliquent des techniques relevant du domaine de l’intelligence artificielle (IA) » [traduction libre].

Par technologies « adaptatives » et « intelligentes », Brusilovsky et Peylo font essentiellement référence à « diverses façons d’ajouter des fonctionnalités adaptatives ou intelligentes à un système d’apprentissage ». Ils notent par ailleurs que plusieurs systèmes entrent dans les deux catégories, étant à la fois adaptatifs et intelligents. À cela, s’ajoute le fait, toujours selon les auteurs, que la ligne entre un système dit « intelligent » et un autre dit « non intelligent » est parfois mince… À la lumière de ces constats et en considérant que dans un avenir plus ou moins rapproché l’IA devrait articuler tous ces systèmes d’apprentissage personnalisé, nous nous attarderons à cette matérialisation de l’apprentissage adaptatif que nous appellerons « apprentissage adaptatif intelligent ».

Les composantes de l’apprentissage adaptatif intelligent

Voyons de plus près les conditions qui ont mené à l’émergence de l’apprentissage adaptatif intelligent et qui sont toujours nécessaires à sa conception.

Nourri aux mégadonnées (Big Data) et aux algorithmes

Aussi appelées données massives, les mégadonnées sont ces informations que nous produisons tous en utilisant les nouvelles technologies numériques. Dans l’apprentissage adaptatif, ces données proviennent de diverses sources : de l’apprenant, qui les génère sur la plateforme de la formation; des autres apprenants qui suivent la même formation (mais pas le même parcours); et de toute autre source pertinente sur le web ou non qui puisse nourrir et orienter la formation.

Quant aux algorithmes, ils sont en quelque sorte les instructions que doit suivre un système pour parvenir à un résultat déterminé ou pour résoudre un problème. Ces systèmes d’apprentissage adaptatif peuvent être intégrés à diverses plateformes qui génèrent ces données, qu’il s’agisse plateformes d’apprentissage en ligne, de réalité augmentée ou de réalité virtuelle, etc.

Propulsé par le Web 2.0 et les hypermédias

L’essor du Web 2.0 a participé au développement de l’apprentissage adaptatif en élargissant ses possibilités en matière d’interaction comme de personnalisation, entre autres en formation en ligne. Le web lui a permis d’inclure une variété beaucoup plus considérable de technologies issues de l’intelligence artificielle.

L’émergence des hypermédias a stimulé les recherches sur l’apprentissage adaptatif. Un hypermédia est ce système de présentation de l’information qui permet d’activer des liens entre des éléments textuels, sonores et visuels (textes, vidéos, graphiques, etc.). Les hypermédias sont établis sur des modèles (composantes) qui prennent en considération les préférences des utilisateurs. Après l’hypermédia classique linéaire, où tous les utilisateurs se voyaient proposer les mêmes liens, on a mis au point l’hypermédia adaptatif, qui propose à chaque utilisateur des liens en fonction de certaines de ses caractéristiques. Utilisé dans le domaine de l’apprentissage, on l’appelle « hypermédia adaptatif éducationnel » ou « hypermédia adaptatif éducatif ». Le dernier né de ces systèmes est l’hypermédia adaptatif dynamique, un hypermédia adaptatif dont la construction des liens n’est pas prédéfinie, se mettant en place au fur et à mesure de l’exécution.

Articulé par l’intelligence artificielle (IA)

C’est l’intelligence artificielle, notamment l’apprentissage profond, qui permet de traiter les mégadonnées. L’apprentissage profond est cette branche de l’IA qui laisse l’ordinateur trouver par lui-même la meilleure façon de résoudre un problème à partir des données et des indications sur le résultat attendu.

Dans le domaine de l’éducation, cette technologie s’incarne principalement dans les systèmes tutoriels intelligents (STI), qui sont des programmes informatiques faisant partie des systèmes experts. Les STI peuvent décoder le cheminement mental de l’apprenant à partir de la façon dont celui-ci résout les problèmes posés, afin de lui donner en temps réel les explications, les conseils et les exercices qui lui seront les plus profitables. C’est non seulement le contenu du cours qui peut être adapté de façon « intelligente » pour chaque apprenant, mais aussi sa présentation de même que la navigation.

 Structuré par des composantes modèles

L’architecture d’un système d’apprentissage adaptatif intelligent inclut des composantes appelées « modèles », qui permettent de structurer le fonctionnement d’un ensemble de programmes informatiques.

  • Modèle apprenant : il personnalise l’apprentissage en tenant compte des particularités de l’apprenant
  • Modèle pédagogique (ou d’apprentissage) : il détermine comment l’information doit être enseignée
  • Modèle du domaine (ou expert) : il représente ce qui doit être enseigné
  • Modèle de l’interface (ou environnement) : il constitue la couche de communication (les interactions) entre l’apprenant et le système

Un super apprentissage

Pouvoir suivre un parcours d’apprentissage personnalisé, en temps réel de surcroît, comporte plusieurs bénéfices, dont les suivants :

Les bénéfices pour l’apprenant

  • Accroît la motivation

En étant exposé qu’à du contenu qui convient à son profil et qui cible les connaissances qu’il lui manque, et ce, à l’aide d’une approche pédagogique optimale pour lui, l’apprenant a plus de chances de percevoir sa formation comme étant pertinente et stimulante. Les plus faibles comme les plus forts sont aussi moins susceptibles de décrocher comme c’est le cas dans une forme d’apprentissage qui s’adresse à l’apprenant « moyen ». La motivation est un facteur incontournable pour achever et réussir une formation.

  • Optimise la durée d’apprentissage

L’apprenant ne perdra pas son temps sur des notions qu’il maîtrise déjà et pourra ainsi consacrer toute son énergie aux apprentissages qui sont dans sa mire. C’est sans compter qu’une fois qu’il aura intégré un nouvel apprentissage, le système le détectera et s’ajustera en conséquence.

  •  Renforce le processus d’apprentissage

Le fait que le contenu tout comme la présentation et la navigation soient ajustés au profil de l’apprenant et basés sur les constats de la recherche en neurosciences maximise les chances de succès de ce dernier à chacune des phases d’apprentissage (assimilation, consolidation et application).

Les bénéfices pour l’entreprise

  •  Permet de déterminer les besoins de formation

Un système d’apprentissage adaptatif intelligent fournit de précieuses informations qui, utilisées à bon escient, peuvent permettre à l’entreprise d’identifier quelles connaissances et compétences elle aurait avantage à développer chez ses employés.

  • Permet d’évaluer l’impact de ses investissements en formation

Encore une fois, grâce aux données qu’il permet de récolter sur le parcours d’apprentissage des employés, ce système permet à l’entreprise de savoir si les efforts et l’argent investis en formation rapportent comme souhaité ou s’il faut rajuster le tir.

  • Consolide une culture du perfectionnement

Puisque ce système de formation est à la fine pointe de la technologie, qu’il permet aux employés d’acquérir de nouveaux outils, et ce, sans leur faire perdre leur temps précieux, il a tout pour séduire et inciter à adhérer à une culture d’entreprise d’apprentissage en continu. Par ailleurs, un tel système renforce l’image d’un employeur innovant qui donne aux membres de son équipe les moyens de tirer le meilleur d’eux-mêmes.

Voie d’avenir

Quel apprenant ne souhaite pas suivre le « bon » parcours pédagogique? Ce parcours qui lui donne un maximum de chances d’atteindre ses objectifs en lui évitant de perdre son temps… et en optimisant sa motivation. Et quelle entreprise n’a pas envie de pouvoir proposer à ses employés une formation innovante sur mesure qui, en plus, lui fournit de précieuses informations pour mieux orienter ses initiatives en ce sens. Bien qu’il reste à en peaufiner certains aspects et qu’il ne soit pas encore accessible au plus grand nombre, l’apprentissage adaptatif intelligent s’annonce certainement l’une des approches les plus prometteuses pour transmettre un large éventail d’enseignements à tout apprenant, quels que soient son profil et ses objectifs!

L’adaptatif intelligent

Pour adapter une formation à un apprenant (ou à un groupe d’apprenants), un système d’apprentissage adaptatif intelligent remplit les fonctions suivantes.

Il couvre ces 3 phases du processus d’apprentissage :

  1. Assimilation des connaissances
  2. Consolidation des connaissances
  3. Application des connaissances

Il comprend 5 processus :

  1. Identification du profil de l’apprenant
  2. Adaptation de la formation selon les performances
  3. Affinement progressif du profil
  4. Évaluations récurrentes
  5. État des compétences acquises

Il peut adapter la formation à 3 niveaux :

  1. Présentation
  2. Navigation
  3. Contenu

Basé sur les neurosciences

Comme toute approche d’apprentissage sérieuse, l’apprentissage adaptatif intelligent s’articule autour de principes pédagogiques éprouvés. Afin que l’apprenant puisse assimiler, consolider puis appliquer ses nouvelles connaissances, l’apprentissage adaptatif s’appuie sur les dernières découvertes des sciences cognitives, en particulier celles des neurosciences, qui nous révèlent comment le cerveau apprend et quelles méthodes d’enseignement sont à privilégier.

Les chercheurs en neurosciences recourent à des appareils sophistiqués tels que l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf), les systèmes de suivi oculaire et les électroencéphalographes.

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.