Observer nos semblables est non seulement notre premier mode d’apprentissage, mais il demeure l’un des plus efficaces même à l’âge adulte. Dans la théorie sociocognitive du psychologue Albert Bandura, ce processus à la base du développement et du comportement humain porte le nom de « modelage » ou d’expérience vicariante. Trois étapes ont été identifiées comme étant incontournables pour en tirer des résultats optimaux. Suivez le guide pour savoir comment articuler cette approche tout en y intégrant l’apprentissage en ligne!

Au-delà de l’imitation

Rappelons que pour Albert Bandura, l’apprentissage prend sa source dans les cultures humaines et que c’est par le modelage social que se transmettent les compétences et les savoirs les plus sophistiqués, qu’ils soient manuels, comportementaux, sociaux, intellectuels ou autres (voir Au cœur du sentiment d’efficacité personnelle). Le modelage consiste en une forme d’apprentissage par observation d’autrui qui va bien au-delà de la simple imitation (voir Le modelage ou l’apprentissage par l’observation). Il implique que le sujet observateur saisit des règles implicites du comportement du sujet observé ainsi que ses conséquences positives ou négatives, pour produire de nouveaux modèles de comportements qui seront semblables, mais qui les dépasseront, dans le sens où ils seront interprétés et utilisés de manière personnelle par le sujet apprenant.

Dans ce contexte-ci, puisqu’il est question d’acquérir et de maîtriser des compétences, le terme « modelage de maîtrise » est approprié. En plus d’être efficace, le modelage de maîtrise serait moins propice à l’éclosion d’émotions négatives en cours d’apprentissage (voir L’importance des émotions dans l’apprentissage et 4 émotions de l’apprentissage) et procurerait davantage de satisfaction à l’égard de la formation qu’un apprentissage dit « individuel », tel que le recensent Galand et Vanlede dans leur article du numéro Autour de l’œuvre d’Albert Bandura (Savoirs, 2004).

Les trois étapes pour réussir un modelage de maîtrise sont :

  1. Le modelage instructif
  2. Le perfectionnement guidé
  3. Le transfert de compétences en situations réelles

Le modelage instructif

Le modelage instructif vise à montrer aux apprenants les compétences à acquérir et à leur exposer la façon d’y parvenir. Pour ce faire, le formateur doit d’abord identifier les sous-compétences (tâches plus simples) qu’impliquent les compétences complexes à maîtriser. L’exécution de chacune des tâches fera ensuite l’objet d’une démonstration par un modèle. Cette première étape se prête tout à fait au mode en ligne, puisque la démonstration peut être présentée sous forme de vidéo que les apprenants pourront visionner autant de fois que nécessaire.

À noter :

  • Le formateur peut lui-même être le modèle ou encore travailler en équipe avec un modèle.
  • Cette présentation doit non seulement indiquer la façon de faire et donner les meilleures stratégies pour y parvenir, mais elle doit aussi favoriser le sentiment d’efficacité personnelle des apprenants.
  • Si possible, le modèle sera à l’image des apprenants. Par exemple, si ces derniers sont en majorité de jeunes adultes, il est souhaitable que le modèle soit de la même tranche d’âge; si la formation s’adresse à un groupe de professionnels en particulier, le style vestimentaire et le comportement du modèle devront concorder avec les exigences de cette profession.
  • Si les compétences enseignées sont de nature relationnelle, il est logique qu’il y ait au moins deux modèles pour simuler les interactions.
  • La réalité virtuelle peut s’avérer une option fort intéressante dans la mesure où elle apporte un plus à la formation, notamment si la pratique des compétences enseignées implique une certaine dangerosité (par exemple : manipuler des substances chimiques dangereuses) ou si la situation ou l’environnement dans lequel ces compétences devront servir sont difficilement accessibles (par exemple : une mine ou des enjeux relationnels spécifiques). (voir La réalité virtuelle dans l’apprentissage vue par un expert d’Ubisoft)
  • Bien que le cœur du modelage de maîtrise soit l’observation d’un modèle, il n’est pas exclu de fournir des conseils d’apprentissage et des notes récapitulatives aux apprenants; cela est même souhaitable! (voir Neurosciences : apprendre en 4 temps)

Le perfectionnement guidé

Comprendre grosso modo en quoi consiste une compétence complexe est une chose, la maîtriser en est une autre! Il est normal qu’à la suite du modelage instructif certaines sous-compétences aient été moins bien intégrées et que même celles qui l’ont été aient pour la plupart besoin d’être améliorées. Tout cela sera possible en recourant au modelage dit « correcteur », grâce auquel l’apprenant sera guidé à la fois pour comprendre ses erreurs et les corriger, mais aussi pour se perfectionner.

À noter :

  • Cette étape nécessite la présence d’un formateur qui soit en mesure d’analyser les performances de l’apprenant. Ce formateur peut lui-même être le modèle ou encore travailler en équipe avec un modèle.
  • Puisque le modelage correcteur doit être personnalisé, un échange direct doit se tenir entre l’apprenant et le modèle-formateur ou entre l’apprenant, le formateur et le modèle. En apprentissage en ligne, cette étape-ci doit se faire en mode synchrone. Si la formation est mixte, il est judicieux de réserver le modelage correcteur pour le présentiel.
  • Si les compétences enseignées sont de nature relationnelle, cette étape peut regrouper plusieurs apprenants que le formateur corrigera et guidera tour à tour à travers des jeux de rôle.
  • Puisque le modelage correcteur est susceptible de générer chez l’apprenant plus d’émotions négatives que le modelage instructif — se faire analyser et corriger est déstabilisant! – ce guidage doit être empathique (voir La formation en ligne en mode empathique). Il devrait aussi augmenter le sentiment d’efficacité personnelle de l’apprenant en mettant l’accent sur ses progrès et réussites, en privilégiant une approche constructive et en évitant les comparaisons ainsi que les critiques dévalorisantes.

Le transfert de compétences en situations réelles

Une fois l’étape du modelage correcteur réussie, les apprenants sont prêts à mettre leurs nouvelles compétences à l’épreuve du réel, dans l’environnement professionnel auxquelles celles-ci sont destinées. Cette étape permet de s’assurer que ces compétences ont les effets souhaités et qu’elles s’inscrivent à long terme dans les pratiques de travail.

À noter :

  • Lorsque les apprenants suivent une formation de modelage de maîtrise dans le cadre de leur travail, il revient à l’employeur de les intégrer à cette étape-ci à l’aide d’un programme de transfert de compétences.
  • Puisqu’il existe différentes réalités professionnelles, le programme classique de transfert de compétences n’est pas l’unique voie possible à cette étape-ci. Par exemple, le formateur peut être invité à faire un suivi auprès des apprenants dans leur milieu de travail pour une période donnée. Si c’est l’apprenant lui-même qui, en tant que travailleur autonome ou étudiant, a fait appel au formateur pour recevoir un modelage de maîtrise, il peut convenir avec ce dernier de la meilleure façon de procéder pour cette troisième étape.
  • Si cette étape est menée par le formateur, celui-ci devra non seulement avoir développé au préalable une stratégie de transfert de compétences adaptée à l’apprenant et à sa situation de travail, mais il devra aussi aller valider son efficacité en situation réelle. Un questionnaire conçu à cet effet lui permettra de faire une bonne analyse de la situation et de guider la discussion avec l’apprenant sur les points essentiels. Au besoin, le formateur aidera l’apprenant à faire les ajustements nécessaires pour que ses nouvelles compétences le servent efficacement et durablement dans son travail.
Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative

Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.