« Notre société ne peut pas se permettre un système à deux vitesses dans lequel les nantis ont accès à une éducation supérieure… L’excellence académique, l’équité éducative et la justice exigent une base solide de connaissances pour tous les apprenants. »

– E. D. Hirsch, Éducateur et critique littéraire universitaire américain

Pour les résidents du Québec, une année d’activité académique comprenant les frais de scolarité, les frais annexes, les livres et les fournitures peut coûter entre cinq et huit mille dollars. Pour les citoyens canadiens des autres provinces, le coût estimé se situe entre onze et treize mille dollars. Et pour les étudiants internationaux, les frais de scolarité annuels peuvent varier de vingt-trois à cinquante-six mille dollars. Et tout cela, bien sûr, avant le coût de la vie (McGill). Le coût de la vie à Montréal (sans compter le logement et le loyer) est d’environ 1 100 dollars par mois. Si l’on ajoute à cette équation le coût moyen d’un loyer de mille dollars par mois, la plupart des étudiants devront débourser entre vingt-cinq (résidents du Québec) et quatre-vingt (étudiants étrangers) mille dollars par an pour leurs études. Bien entendu, ces chiffres représentent des moyennes globales et de nombreuses variables peuvent les affecter. Par exemple, les étudiants locaux peuvent vivre chez eux pendant leurs études, ce qui annule les frais de loyer.

L’enseignement supérieur est un luxe qui n’est pas à la portée de tous, ou, du moins, c’est un luxe qui est davantage à la portée de certains que d’autres. Et si la limitation financière est certainement un frein, ce n’est pas le seul. Pensez, par exemple, à l’acclimatation culturelle que pourrait connaître un étudiant international s’il devait s’installer, disons, à Montréal pour ses études postsecondaires. Les exigences ne sont plus seulement économiques, mais aussi socioculturelles. De nombreux facteurs extérieurs à l’environnement d’apprentissage influencent les circonstances de l’apprentissage. Certains de ces facteurs, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels, peuvent également influencer l’expérience de l’apprenant. Il n’est pas raisonnable de penser que l’enseignement supérieur est une pratique confinée à la salle de classe : l’écosystème de l’expérience d’apprentissage d’un étudiant comprend de multiples éléments qui ne sont pas de nature académique.

Niveler le terrain de jeu

La démocratisation peut être définie comme « l’action de rendre quelque chose accessible à tous » (Oxford Languages). L’apprentissage en ligne peut servir d’instrument pédagogique relativement démocratique, accessible et alternatif qui donne aux étudiants la possibilité de faire des études sans nécessairement devoir s’endetter ou se déraciner. Bien qu’il n’y ait rien à redire aux modèles traditionnels d’enseignement supérieur en personne, le nombre d’étudiants canadiens qui poursuivent ou aspirent à poursuivre des études postsecondaires n’a cessé d’augmenter au fil des ans (Statista). De plus, au cours de la décennie 2008-2009 à 2018-2019, le nombre d’étudiants internationaux fréquentant les établissements postsecondaires canadiens a plus que triplé, représentant 16 % du total des inscriptions de 2018-2019 (Statistique Canada). Notre infrastructure pédagogique doit être adaptée en conséquence pour accueillir une population d’apprenants plus diversifiée. Autrement dit, nous devons nous rappeler que l’éducation est — ou du moins devrait être — un droit, et non un privilège. L’apprentissage en ligne n’est pas une solution universelle, mais il peut atténuer certaines difficultés ou certains obstacles qui empêchent certains groupes d’étudiants de fréquenter l’université. Il peut, pour ainsi dire, uniformiser les règles du jeu. Il peut être utilisé pour démocratiser l’enseignement supérieur.

graph of number of students attending Canadian post-secondary institutions
Nombre d’étudiants fréquentant les établissements postsecondaires canadiens

La santé mentale dans l’enseignement supérieur

En 2016, un étudiant postsecondaire sur quatre a déclaré avoir été diagnostiqué par un professionnel pour un ou plusieurs troubles de santé mentale, l’anxiété et la dépression étant les problèmes les plus fréquents (NCHA). Les résultats ont également démontré qu’au cours des deux semaines précédant l’enquête, près de 30 % des étudiants interrogés ont éprouvé un sentiment de solitude, et plus de 50 % se sont sentis dépassés par tout ce qu’ils avaient à faire. Il est important de reconnaître que l’université, en soi, peut représenter un moment de formation et de développement dans la vie d’un jeune adulte. Devoir trouver un équilibre entre ses études, ses finances et son bien-être personnel peut certainement être accablant. L’apprentissage en ligne pourrait offrir aux étudiants qui en ont besoin une solution de rechange qui les soulagerait. Les étudiants souffrant de troubles mentaux peuvent être dépendants de routines et de systèmes de soutien qu’ils ont établis au fil du temps. Pour certains, le fait d’être éloigné de ces routines et de ces systèmes peut provoquer des niveaux de détresse variables et ainsi interférer avec l’expérience d’apprentissage. Mais si un tel étudiant pouvait apprendre à distance, sans s’éloigner de ce qu’il connaît, son expérience d’apprentissage pourrait être rendue beaucoup plus tolérable et gérable, ce qui lui permettrait de se consacrer davantage à ses études.

De nombreux facteurs peuvent entraver la capacité d’apprentissage ou affecter la santé mentale d’une personne. Il est important de tenir compte des facteurs de stress possibles (déménagement, finances, santé mentale, etc.) associés aux exigences de l’apprentissage traditionnel en personne et de commencer à penser et à chercher des stratégies qui peuvent atténuer et accommoder les apprenants selon leur situation particulière.

L’apprentissage en ligne pourrait être un bon point de départ. Mais il n’est pas sans poser des problèmes particuliers. La majorité des professionnels de l’éducation ont été formés et sont habitués à donner des cours en personne. La transition vers l’environnement en ligne nécessite une certaine période d’adaptation : ce qui a été appris doit parfois être réappris. On pourrait même comparer cela à la différence entre conduire du côté droit de la route en Amérique du Nord et du côté gauche au Royaume-Uni. C’est toujours de la conduite, mais cela peut être rébarbatif au début! Les étudiants doivent eux aussi développer certaines capacités d’apprentissage. Ils doivent faire preuve de discipline et d’autonomie, car l’apprentissage se fait souvent de manière indépendante. Et l’apprentissage en ligne doit être déployé de manière stratégique et être basé sur des modèles pédagogiques qui ont fait leurs preuves. Il faut également tenir compte des éléments qui ne peuvent jamais être entièrement reproduits en ligne, comme l’interaction en face à face. Les relations entre pairs font partie intégrante du monde universitaire et doivent donc trouver un moyen d’être représentées dans l’environnement en ligne. La technologie numérique moderne nous a fourni des outils qui nous permettent d’interagir depuis pratiquement n’importe où et à n’importe quel moment. Si nous parvenons à utiliser ces outils de manière équilibrée et calculée, ils pourraient effectivement contribuer à démocratiser l’éducation.

Josh Quirion

Auteur:
Josh Quirion

Concepteur d’expériences d’apprentissage @KnowledgeOne |
Écrivain et rédacteur en chef de 
yolkliterary.ca 

Josh Quirion est un ancien journaliste et instructeur au cégep. Il détient un baccalauréat en éducation de l’Université Bishop’s et une maîtrise en littérature anglaise et en création littéraire de l’Université Concordia. Quirion a publié son premier livre, Towners & Other Stories (Shoreline Press), en 2020.