Connaissez-vous ces processus cognitifs que sont l’attention, la mémoire de travail, l’inhibition et la métacognition? Si vous avez déjà une idée de leur rôle et de leur mode d’action, vous ignorez peut-être ce que les neurosciences ont permis de découvrir sur eux au cours des dernières années. Pour satisfaire votre curiosité et améliorer vos apprentissages, voici cinq faits aussi surprenants qu’utiles à connaître sur quelques-uns de nos processus cognitifs.

 Le rôle étendu de l’attention

De concert avec la mémoire de travail, l’attention permet la sélection des informations à traiter dans le cerveau. Ce qui est moins connu, c’est qu’elle permet aussi le maintien ou les variations du niveau de traitement de ces informations. L’attention n’est donc pas que la porte d’entrée de l’apprentissage et le premier de ses quatre piliers, elle agit également comme un processus transversal à l’ensemble des fonctions cognitives (Amso et Scerif, 2015). Ainsi, les mécanismes du système attentionnel sont liés à ceux du traitement visuel, de la mémoire et de l’apprentissage.

Une mémoire de travail entraînable

Notre mémoire de travail nous permet de retenir des informations et de jongler avec eux durant quelques dizaines de secondes. Cette mémoire à court terme qui sollicite notre attention ne peut retenir que de 1 à 7 ± 2 éléments, une capacité qui varie selon les individus au fil des âges du développement. Les neurosciences ont permis de démontrer que celle-ci peut être entraînée — en s’exerçant à se remémorer, par exemple, des éléments vus à l’écran —, et qu’un tel entraînement augmente l’activité des neurones dans le cortex préfrontal (contrôle exécutif) ainsi que leur connectivité avec le cortex pariétal, cortex impliqué dans plusieurs processus cognitifs, dont ceux qui requièrent la perception visuospatiale (Constantinidis et Klingberg, 2016; Jaeggi et al., 2008; Klingberg, 2010; Klingberg et al. 2005; McNab et al., 2009; Olesen et al., 2004).

Une stratégie efficace pour aider la mémoire de travail à manipuler davantage d’informations, et donc à résoudre des problèmes plus complexes, consiste à s’entraîner à combiner les informations entre elles. Par exemple, plutôt que de retenir séparément les chiffres 2, 5 et 7, il vaut mieux retenir un seul chiffre qui les combine, soit 257, et ainsi diminuer les ressources attentionnelles exigées par la mémoire de travail. Notons que lorsque nous sommes soumis à un flot continu d’informations, comme dans une énumération, nous avons tendance à retenir les premières et les dernières informations présentées, mais à échapper celles du milieu.

L’ampleur de nos connexions inhibitrices

Vous serez sans doute surpris d’apprendre que la moitié de vos connexions dans le cerveau sont « inhibitrices », c’est-à-dire qu’elles indiquent à l’influx nerveux non pas de propulser son activité, mais de la cesser. L’inhibition cognitive est cette capacité à résister aux distractions ou à bloquer un automatisme, une réponse attendue ou un commentaire qui nous passe par la tête. Il faut savoir qu’indépendamment du contexte, notre cerveau est fait pour identifier des régularités dans l’environnement — une stratégie cognitive appelée heuristique de pensée —, qui bien qu’elles soient adéquates dans un contexte donné, seront généralisées ensuite à d’autres contextes, ce qui nous incitera à nous tromper de façon systématique, à nous rendre victimes de biais cognitifs.

Selon le chercheur en psychologie du développement, Olivier Houdé, cette faculté à inhiber nos automatismes de pensée est le troisième système de pensée de notre système cognitif, les deux autres, mis au jour par Daniel Kahneman, étant le « système 1 » (S1), rapide, intuitif et émotionnel, et le « système 2 » (S2), plus lent, réfléchi et logique. Pour Houdé, le système « d’inhibition », aussi dit « de résistance », n’est rien de moins que la clé de l’intelligence. La capacité du cerveau à adapter son raisonnement au contexte, à s’ajuster au changement par l’inhibition d’un automatisme pour activer une stratégie plus adaptée est pour sa part qualifiée de « flexibilité mentale ». Entraîner son système d’inhibition cognitive et sa flexibilité mentale est essentiel, y compris à l’âge adulte. Et s’exercer à la logique ne suffit pas dans ce cas-ci. Pour « apprendre à penser contre soi », il faut plutôt s’entraîner dans des situations très concrètes à douter, analyser, trier et ordonner l’information reçue.

L’empathie sous-tendue par l’inhibition

L’empathie est un phénomène conscient qui se résume par la capacité de ressentir les états affectifs de quelqu’un d’autre, de « se mettre dans sa peau », ce qui implique d’être au départ à l’écoute de ses propres émotions ou « conscient de soi ». Indispensable pour bien décoder les sentiments des autres, cette qualité qui demande d’être ouvert et respectueux envers son prochain est l’une des clés non seulement d’une communication efficace, mais aussi — ce qui est moins connu — de l’apprentissage. Des chercheurs du laboratoire de psychologie de développement et de l’éducation de l’enfant au CNRS ont découvert que cette faculté — ardue, soulignons-le — qui exige que nous nous décentrions de nous-mêmes dans une situation donnée est sous-tendue par notre capacité d’inhibition cognitive. C’est dire combien l’inhibition est fondamentale à notre bon fonctionnement humain et combien tout parcours scolaire vise en fait à développer cette faculté.

Développer la métacognition dès l’enfance

La métacognition peut se résumer comme la capacité à réfléchir sur ses propres processus cognitifs, nous permettant ainsi d’identifier nos erreurs, nos réussites, de comprendre leur origine et de rajuster le tir. Puisque la métacognition et les stratégies métacognitives sont le socle de tous nos apprentissages, des chercheurs du laboratoire de psychologie de développement et de l’éducation de l’enfant au CNRS ont fait le pari d’essayer d’enseigner de manière très explicite ces concepts à des enfants de maternelle. Selon ces chercheurs, si les inégalités éducatives s’expliquent en partie par des inégalités dans cette connaissance des stratégies métacognitives, et ce dès la maternelle, il y a un réel enjeu à les enseigner de façon extrêmement explicite. Comme le souligne Grégoire Borst, professeur de psychologie de développement et de neurosciences cognitives de l’éducation : « C’est en ayant des connaissances sur votre système attentionnel, sur votre mémoire, sur votre capacité d’inhibition et de flexibilité attentionnelle que vous pouvez effectivement acquérir ce qu’on appelle les fondamentaux de l’apprentissage, avant même de rentrer dans les apprentissages fondamentaux que sont la lecture et les mathématiques. »

Sources :
  • Houdé, Oliver, L’école du cerveau : De Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives, Paris, Éditions Mardaga, 2019.
  • Immordino-Yang, Mary Helen; Singh, Vanessa, Emotions, Learning, and the Brain: Exploring the Educational Implications of Affective Neuroscience, New York, W.W. Norton & Company Inc., 2016.
  • Série « Apprendre à apprendre, avec Grégoire Borst », France culture, 23 février 2024.
Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Stratège en communication et Rédactrice en chef @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative

Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.